Gilles Balbastre (Journaliste reporter images), Denis Berger (enseignant en sciences politiques à Paris VIII), Jean Breschand (journaliste), Christian de Brie (journaliste), Rony Brauman (ancien président de Médecins sans frontières), François Brune (professeur de Français), Pierre Contesenne (membre de Droits Devant!), Christophe Dejours (psychologue du travail), Serge Depaquit (secrétaire de l'Association pour l'autogestion, l'initiative locale, et l'économie sociale), Max Dorra (professeur de Médecine), Jean-Pierre Duteuil (auteur de Vers le mouvement social du 22 mars), Jean-Baptiste Eyraud (président de Droit Au Logement), Richard Farnetti (économiste), Jean-louis Frisulli (Sud 93), Jean-Pierre Garnier (sociologue), Susan George (présidente de l'Observatoire de la mondialisation, Paris), Vincent Glenn (cinéaste), Denis Gravouil (syndicaliste), Serge Halimi (journaliste au Monde diplomatique), François Kalfon (rédacteur en chef de la revue Pétition), Robert Kramer (cinéaste), Philippe Labarde (membre du CSA, Journaliste), Séverine Labat (politologue), Alain Lebaube (journaliste au Monde), Maurice Lemoine (journaliste au Monde Diplomatique), Catherine Lévy (sociologue), Alain Lipietz (économiste), Hoang Ngoc Liêm (économiste et directeur de la revue Pétition), Pierre Maillot (professeur à l'Ecole nationale Louis Lumière), Henri Maler (philosophe), Philippe Merlant (journaliste), Frank Mintz (historien), Aline Pailler (député européenne), Carlos Pardo (journaliste), Philippe Riutort (politiste à l'Université de Paris X Nanterre), Emma Shnur (philosophe), Denis Sieffert (journaliste à Politis), Eyal Sivan (cinéaste), Patrice Spadoni (cinéaste), René Vautier (cinéaste), Patrick Viveret (rédacteur en chef de Transversales Science/culture)... et du public.
sommaire
INDIVIDU ET DERACINEMENT - JEUDI 5 MARS 1998
Flux migratoires: exploitations politiques et réalités
film : Les gens des baraques, de Robert Bozzi
conférence/débat avec :
Aline Pailler (député
européenne),
Christian de Brie (journaliste)
"Exclusion" ? Réflexions sur la société
de compétition, sur les notions de croissanceet de
productivité.
film : Au loin s'en vont les nuages, de Aki
Kaurismaki, 1996
conférence/débat avec :
Pierre Contesenne
(membre de Droits Devant! ),
Philippe Labarde (membre du CSA, Journaliste, co-auteur de
Ah! Dieu que la guerre économique est jolie),
Alain Lebaube
(journaliste au Monde)
modérateur : Patrice Spadoni (cinéaste)
Repli sur soi, tentation sécuritaire, xénophobie,
incivisme, brouillage des références communes... Réflexions
sur les formes et les causes de la dégradation du lien social, en France
et au niveau international.
film : Walk The Walk, de Robert Kramer
conférence/débat avec :
Robert Kramer (cinéaste),
Christophe Dejours (psychologue du travail, auteur de Souffrance
en France),
Jean-Pierre Garnier (sociologue, auteur de Des barbares
dans la cité)
modérateur : Denis Gravouil (syndicaliste)
INDIVIDU ET ENGAGEMENT - VENDREDI 6 MARS
"30 ans après mai 68, que reste-t-il
des rêves égalitaires?"
film : Mourir à trente ans, de Romain
Goupil
conférence/débat avec :
Pierre Maillot (professeur à l'Ecole nationale Louis
Lumière)
Patrick Viveret (rédacteur en chef de Transversales
Science/culture)
Jean-Pierre Duteuil (auteur de Vers le mouvement social
du 22 mars)
modérateur : Philippe
Merlant (journaliste)
La crise de la représentativité
politique est-elle dans une large mesure du domaine du préjugé ("tous
pourris") ? Ou bien assiste-t-on à une remise en cause des
professionnels de la politique plus sérieuse qu'il n'y paraît
?
film : Quand les femmes ont pris la colère,
de Soazig Chappedelaine
conférence/débat avec :
Denis Sieffert
(journaliste à Politis),
Philippe Riutort (politiste à l'Université de
Paris X Nanterre),
Henri Maler (philosophe, auteur de Convoiter
l'impossible)
modérateur : Hoang Ngoc Liêm (économiste
et directeur de la revue Pétition)
Caractéristiques et conséquences
sociales de ce qu'on appelle "mondialisation"
film : Roger et moi, de Michaël Moore, 1989
conférence/débat avec :
Richard Farnetti (économiste, co-auteur de
le modèle anglo-saxon en question)
Susan George (présidente de l'Observatoire de la
mondialisation)
Jean-Baptiste Eyraud (président de Droit Au
Logement)
modérateur : Carlos Pardo (journaliste)
INDIVIDU ET UTOPIE - SAMEDI 7 MARS 1998
Banalisation de la misère, constat d'échec
des tentatives internationalistes : entre l'invitation à "cultiver
son jardin" et la renonciation à changer le monde ?
films : Les voisins, de Norman McLaren, Lumières
sur un massacre, de Rithy Panh, L'île aux fleurs, de
Jorge Furtado, Seule, de Eric Zonca
conférence/débat avec :
Denis Berger (enseignant en sciences politiques à
Paris VIII)
Maurice Lemoine (journaliste au Monde Diplomatique)
Rony Brauman (ancien président de Médecins
sans frontières)
modérateur : Jean Breschand (journaliste)
Acquis et limites de l'individualisme. La fin des idéologies qu'est-ce-que ça
veut dire ?
films : La ferme des animaux, de John Halas et Joy
Batchelor ; Conservfilm, de Zlatin Radev
conférence/débat avec :
François Brune (professeur de Français,
auteur de Les médias pensent comme moi),
Max Dorra (professeur de Médecine),
Serge Halimi (journaliste au Monde diplomatique,
auteur de Les Nouveaux chiens de garde)
modérateur : Vincent Glenn (cinéaste)
Quelles alternatives à l'économisme et à
la course à la compétitivité. Autogestions, éléments
historiques et perspectives.
Réflexions sur le développement durable.
film : Land and freedom, de Ken Loach (1995)
conférence/débat avec :
Frank Mintz
(historien)
Alain Lipietz (économiste, auteur de La société
en sablier)
Serge Depaquit (secrétaire de l'Association pour
l'autogestion, l'initiative locale, et l'économie sociale)
modérateur : Carlos Pardo (journaliste)
INDIVIDU ET APPARTENANCE - DIMANCHE 8 MARS 1998
"La défense ou l'affirmation des identités
- nationales, régionales, linguistiques, religieuses...
conduisent-elles nécessairement à la violence ?"
film : Izkor, de Eyal Sivan, 1990
conférence/ débat avec :
Séverine
Labat (politologue, auteur de Les islamistes algériens entre les
urnes et le maquis, Ed du Seuil 1995),
Emma Shnur (philosophe),
Eyal Sivan (cinéaste)
Mouvements sociaux et actualités syndicales
film : Dans la rue, de François Guillement
et Michaël Lheureux, 1996
conférence/débat avec :
Jean-louis Frisulli
(Sud 93)
Gilles Balbastre (Journaliste reporter images, auteur de
journalistes au quotidien)
Catherine Lévy (sociologue)
modérateur : Pierre Contesenne (Droits Devants!)
Avec un tel titre, c'est un peu comme si on s'en prenait à notre propre conscience de peser faiblement sur le cours des choses. Ou comme si on soulignait nos propres contradictions. Comme si, après avoir cultivé notre lucidité quant aux enjeux politiques, nous ne venions plus que faire état de notre impuissance devant les spectacles planétaires de la guerre économique.
Cette impuissance on la retrouvera en observant l'étroite marge de manoeuvre des élus politiques, ou pire, leur soumission plus ou moins complète aux intérêts des nouveaux seigneurs de l'économie mondiale : nous ne pouvons que constater que les nouveaux maîtres du capitalisme, multinationales, banques, institutions monétaires internationales, sans aucune sorte de légitimité démocratique, s'arrogent des pouvoirs qu'ils voudraient chaque jour moins discutables.
En face, il y a l'incapacité apparente des citoyens d'unir forces et intelligences, l'absence d'une société civile suffisamment constituée pour résister et s'émanciper des choix dictés par ceux qu'on appelle pudiquement "les marchés". Il faut d'ailleurs remarquer qu'on parle des "marchés" un peu comme s'il s'agissait de puissances anonymes, et définitivement pas identifiables, boursiers, puissances financières opaques ou mafieuses. Il n'est pourtant pas sûr qu'il soit si difficile d'identifier ces "marchés" et de découvrir enfin qui sont les vrais responsables. Et en contradiction relative avec ce qui vient d'être dit, on assiste sans doute, ne serait-ce qu'avec la forte mobilisation qui s'exprime à travers les objectifs d'ATTAC1, aux prémices d'un combat de fond contre les paradis fiscaux et autres abus criants du capitalisme transnational.
Regroupement d'individus préoccupés par cet insaisissable ensemble de revendications que peut recouvrir la notion d'intérêt général, nous avons cherché, quant à nous, à sortir de cette aliénation selon laquelle il n'y aurait plus grand chose à tenter sur le plan politique, suivant l'argumentaire bien connu que le XXe siècle serait là tout entier pour le démontrer... Nous sommes convaincus que l'engagement commence en bas de chez soi, et que de là, se dévoilent une quantité incalculable de choses à faire, en gestes, paroles, échanges, pour faire reculer même un tant soit peu les incompréhensions, injustices, aliénations et violences.
Au coeur des rencontres que nous avons proposées, il y a le constat assez élémentaire que le regard est un principe actif, et que contrairement au mouvement d'arrivée de la lumière sur la rétine, il part de chacun : il cherche, s'insinue, s'imprègne de l'imaginaire de celui qui regarde l'oeuvre, comme de celui qui la crée. Il est l'affirmation que les individus ne sont pas seulement des cibles en attente de ce qu'on leur en mette plein la vue, mais surtout le siège d'une histoire, d'un vécu, d'un pouvoir de sélection.
Plus largement, dans nos sociétés hautement médiatisées, il nous paraît essentiel de considérer toute une série de questions liées au regard. Ainsi, lorsque certaines populations se disent stigmatisées, littéralement frappées par le regard des autres, c'est que leurs difficultés matérielles et morales s'augmentent de leur conscience d'être perçues comme des ensembles de citoyens de deuxième ou de troisième classe. C'est la reconnaissance même des individus qui passe de plus en plus fréquemment par le fait qu'ils sont ou non médiatisés : je suis médiatisé donc je suis. Quel autre message faut-il entendre dans les actes des jeunes casseurs ou incendieurs de voitures, sinon la manifestation du besoin premier d'être reconnu, même si c'est dans l'expression d'un mal vivre ou d'un état de manque ?
En 1998, pour la première édition des rencontres citoyen spectateur, l'association des termes Solitaires/Solidaires marquait une interrogation sur l'adhésion plus ou moins consciente, et plus ou moins subie des individus à différents groupes identitaires et sociaux.
En 1999, Public/Cité/Publicité regroupera un ensemble de questions sur ce que peut recouvrir la notion d'espace public. Thierry Paquot, rédacteur en chef de la revue Urbanisme, en rappelait récemment une définition, décrivant l'espace public comme la publicité de l'opinion, l'espace formé par ceux qui participent au débat.
Plus que vouloir produire des séances "ciné-civique", nous avons cherché à mettre l'accent sur un enjeu à plusieurs tiroirs, puisqu'il est à la fois celui du regard, de l'écoute et de l'échange. Parce que nous pensons que le monde dépend aussi, peut-être surtout de la façon dont nous savons l'observer et le décrire. Avec la conscience, aussi, qu'il n'est sans doute pas tout à fait impossible de déployer autant d'inventivité dans les conditions de diffusion que dans la production même des oeuvres.
Mettre l'accent sur le réel qui se trouve derrière les représentations du réel, passer, comme y invitait Lewis Caroll, de l'autre côté du miroir, sans craindre de donner toute sa place à l'imaginaire. Réentendre la phrase fameuse de Robert Filliou, lorsque celui-ci dit que l'art est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art..
Les ACTES qui suivent sont la retranscription des quatre jours de rencontres qui ont eu lieu du 5 au 8 mars 1998 au cinéma Georges Méliès de Montreuil : ils réunissent grilles d'analyses économiques, sociologiques, mythologiques, chiffres, études, regards et sensibilités au croisement de diverses connaissances et compétences.
Les intervenants invités ont eu la possibilité de relire et de préciser certains de leur propos - références, articles, ouvrages complémentaires... - notre objectif, étant de rendre le plus lisible possible les éléments de réflexion apportés. Ils fournissent, à travers un questionnement constant sur l'actualité des solidarités, un certain nombre d'éclairages sur ce que peut recouvrir l'idée de mouvement social.
D'un côté, il y avait donc des individus identifiés, journalistes, professeurs, chercheurs etc. De l'autre, le public de spectateurs-citoyens, invité à participer au débat. Les uns ont un nom et un prénom, les autres, pour la plupart sont anonymes.
Ceux qui ont participé aux retranscriptions, comme les intervenants, ont cherché à respecter l'esprit des interventions, sans s'interdire les quelques nuances et synthèses qu'ont permis le recul et l'écrit, mais en essayant de ne pas perdre ce que peuvent être les atouts de l'oralité et des prises de parole spontanées.
Quant aux films, ils ont agi comme des déclencheurs, comme des regards à la fois sensibles et analytiques sur le monde. Ils nous ont invités à considérer nos propres modes de vie et d'engagement.
Et quand on entend parler de "perte de sens", on préfèrerait entendre perte de "sens collectivement partagé". L'association des termes Solitaires/Solidaires cherchait à poser ce problème là, à savoir la possibilité ou non de définir un tant soit peu une démarche politique à la fin de ce XXe siècle à plus d'un titre désespérant. Dans ce sens, "citoyen spectateur", c'est l'accent mis sur le rôle décisif joué par les médias dans le verrouillage ou non des revendications portées par les acteurs du mouvement social, et tout ce qu'ils peuvent inscrire dans le mot partage. C'est notre conviction que les citoyens doivent et peuvent agir sur la façon dont ils sont "médiatisés", ce qui dépend, bien sûr, à la fois du rôle de chacun et de notre capacité collective à organiser et renforcer les contre-offensives qui ont commencé à voir le jour.
1) Association pour une taxation des transactions financières et pour l'aide aux citoyens 9 bis rue de Valence - 75005 Paris - 01 43 36 30 54 - http://www.attac.org
Le comité éditorial des rencontres 1999
Vincent Glenn, François Guillement, Corinne
Chiaradia, Alain Montesse, Julien Colin.
de l'autre côté, mars 1999