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film : Dans la rue, de François Guillement
et Michaël Lheureux, 1996
conférence/débat avec :
Jean-louis Frisulli
(Sud 93)
Gilles Balbastre (Journaliste reporter images, auteur de
journalistes au quotidien)
Catherine Lévy (sociologue)
modérateur : Pierre Contesenne (Droits Devants!)
Pierre Contesenne : "La baisse des effectifs des syndicats et des partis politiques est-elle le signe d'un affaissement de la conscience civique, d'un essoufflement de la démocratie ou bien l'engagement des citoyens prend-il d'autres voies ? Face aux nouveaux défis d'organisation et de répartition des richesses, d'invention de notre environnement et de nos vies, le foisonnement associatif est-il une force ou une faiblesse?". Vaste débat. Peut-être Catherine Lévy peut-elle recadrer dans une dimension historique ce questionnement sur l'évolution récente du syndicalisme, et son rapport au mouvement associatif qu'on voit apparaître sur la scène politique depuis quelques années.
Catherine Lévy :
Il me semblait que pour étudier la crise du syndicalisme, il n'était
pas complètement inutile de repartir de la création des syndicats
en 1884, c'est-à-dire à la naissance du droit d'association
sur le lieu de travail.
L'histoire du syndicalisme français, qui est liée
à l'histoire de la représentation de la classe ouvrière,
est assez différente de ce qui a pu se passer dans les autres pays
d'Europe. La classe ouvrière telle qu'elle s'est formée en France,
a toujours été extrêmement hétérogène, à
l'inverse de l'Angleterre ou même de l'Allemagne, où l'on trouve,
par exemple, une très forte hérédité ouvrière,
avec par exemple des familles de mineurs qui restaient dans le même
secteur pendant plusieurs générations.
En France, il y a plusieurs vagues de mise au travail des
paysans, l'industrie française s'installant d'abord dans les campagnes.
Cela crée une population de travailleurs qui sont à la fois
paysans et ouvriers, et cela dure longtemps, jusque dans les années 30.
Il y a aussi des vagues d'immigration, qui viennent soit d'Europe soit du
Maghreb, avec les premiers ouvriers maghrébins qu'on fait venir dès
le début du siècle et qui sont mis au travail dans les usines de
Marseille, puis dans d'autres régions, dans la sidérurgie et les
mines de Lorraine. Et ces vagues d'immigration italienne, polonaise, maghrébine,
etc. vont se retrouver dans tous les secteurs ouvriers.
Les bastions ouvriers naissent sur les lieux des productions
industrielles, l'automobile, la sidérurgie, les mines, les chantiers
navals, le textile... Lorsque la concurrence internationale conduit les
entreprises à délocaliser et à s'installer dans le
tiers-monde, on a l'impression que la classe ouvrière disparaît, et
qu'en même temps le syndicat s'écroule.
C'est sur cela qu'il faut réfléchir. Car si la
classe ouvrière n'a jamais été homogène, elle a eu
pendant longtemps une représentation syndicale qui correspondait à
un certain type d'ouvrier et de revendications. Il faudra attendre le grand
mouvement social de 68 pour qu'il y ait une modification sensible de l'action
syndicale. Ce n'est qu'à partir de là qu'elle a commencé à
s'intéresser de plus près aux conditions de vie des salariés,
à prendre conscience de la féminisation de la classe ouvrière,
et à se rendre compte que les revendications des ouvriers immigrés
n'étaient peut-être pas rigoureusement identiques à celles
d'un prolétaire français né à la Courneuve ou dans
le Nord.
Après 68, il commence à y avoir une première
inflexion, mais il faudra encore attendre une dizaine d'années pour que
les syndicats prennent en compte le fait que les salariés peuvent être
porteurs de revendications autres que défensives. Le syndicalisme, il ne
faut pas l'oublier, avait été le grand acteur et promoteur de
toute la législation sociale. Mais, ayant par la suite en charge la
gestion des conflits, la négociation etc., il restait depuis 1970, dans
une position défensive. Puis la possibilité de faire des
propositions et des contre-propositions est apparue. Cela n'a pas eu de véritable
efficacité, sans doute parce que les lieux où les bases
syndicales étaient les plus fortes étaient aussi les lieux où
elles étaient les plus soumises à des licenciements et à
des fermetures d'entreprises. Les contre-propositions sont arrivées un
peu tard. Ceci étant, on peut dire à la décharge des
syndicats qu'il n'est jamais vraiment facile d'être en avance sur l'évolution
économique et d'imaginer des solutions pour les dix ou vingt ans qui
viennent. Mais si on pense par exemple à la sidérurgie ou au
textile, les solutions de rechange n'ont pas été suffisamment portées.
Et il y a eu toute une série de décalages entre ce que proposait
la base, ce que proposaient les directions, et la rapidité avec laquelle
les choses se sont faites, autrement dit la rapidité des décisions
prises par Bruxelles et leur application par le patronat...
Il y a eu aussi des divisions au sein des syndicats qui se
sont accompagnées de l'apparition de syndicats autonomes : les
syndicats Sud, entre autres, mais avant, il y a eu des syndicats de lutte des
travailleurs, le syndicat des banques, toute une série de mouvements qui
se sont autonomisés par rapport aux grandes centrales. Il y a eu aussi le
mouvement des coordinations, tous les mouvements dans le tertiaire,
essentiellement menés par des femmes syndiquées, souvent en décalage
avec leur confédération (par exemple : les Nouvelles
Galeries dans l'Est, ou l'histoire de Lip en 1973, avec une
auto-organisation au sein de l'entreprise). Donc, globalement, il y a eu des
mouvements diversifiés qui ont commencé à naître et
qui ont été porteurs de nouvelles pratiques de lutte et d'une
conception plus " composite" de la classe ouvrière
autrement dit, la conscience qu'on a affaire à un ensemble de salariés
dans des secteurs différents qui doivent à la fois être
porteurs de quelque chose d'un peu général et en même temps,
être ancrés sur leur réalité propre.
Parallèlement à ce foisonnement syndical, il y
a eu un foisonnement associatif à l'intérieur duquel il faut faire
une différence fondamentale entre d'un côté les associations
de lutte, et de l'autre, les associations dites caritatives. L'engagement des
unes et des autres n'étant pas de même nature.
Les associations de lutte, telles qu'elles se sont développées
depuis les années 90, se sont appuyées sur l'accès au droit :
droit au logement, droit à un revenu garanti, droit à un emploi,
droit des sans-papiers, des étrangers... Et il faut d'ailleurs souligner
que l'ensemble des actions qui ont été menées sur ces
terrains entre la fin des années 80 et 95 n'ont pas été
proprement associatives, mais très soutenues et encadrées par les
syndicats minoritaires.
C'est ce mélange entre syndicats minoritaires et
exclus des droits, qui a fait de 1995 la synthèse de ce que les salariés
et ceux qui avaient été en dehors des droits des salariés
pouvaient effectivement gagner ensemble. Des syndicats minoritaires et
associations de luttes qui portent donc une toute autre conception de la classe
ouvrière et des revendications.
Pierre Contesenne : Jean-Louis Frizuli, que diriez-vous en tant que syndicaliste et comme acteur du mouvement social, de ces pôles de convergences qui se mettent en place entre les syndicalistes et les militants de luttes contre le chômage et l'exclusion.
Jean-louis Frisulli : Il y a deux phénomènes essentiels dans la crise du syndicalisme. Le premier, la perte d'espoir pour un socialisme incarné par des pays comme la Chine ou l'URSS, et le deuxième, la déception de la gauche au pouvoir en 81. En 1985, une grosse partie des salariés syndiqués n'ont pu que se rendre à l'évidence sur la façon dont la gauche gérait le pays. Le syndicalisme a eu beaucoup de mal à évoluer, à trouver des marques, par rapport à la nouvelle situation politique et économique. Nous, au syndicat Sud, ce qui a donné un fort élan à la prise de conscience, c'est la façon dont le pouvoir traitait les droits fondamentaux, comme le droit à la retraite. L'arrogance de Juppé à beaucoup aidé à cette prise de conscience, parce qu'en plus, il y mettait la forme. Par ailleurs, s'il y a bien eu un virage au niveau du syndicalisme, je ne suis pas sûr comme Catherine Lévy, qu'on puisse parler d'un véritable foisonnement de syndicats. Ce qui est sûr, c'est que 1995 a été un événement où les gens ont eu envie de faire autre chose. On est peut-être dans une phase de désyndicalisation des organisations classiques, mais en même temps, dans une phase parallèle de recherche, de réflexion qu'a porté le mouvement de 95. Sur le fond, ça signifie qu'on n'accepte plus le libéralisme et les ravages qu'il fait dans la société avec la compétitivité, la rentabilité, qui touchent et remettent en cause des droits fondamentaux comme le droit de séjour, le droit à la santé et au logement...
Pierre Contesenne : À
propos de la perception qu'on a de l'évolution du syndicalisme, des
recompositions qui se font ou s'annoncent plus ou moins, du rapport avec le
mouvement associatif qui défend les chômeurs et les exclus, il faut
aussi considérer le rôle déterminant des médias.
En 1995, ils ont globalement présenté un
mouvement corporatiste, se saisissant du prétexte que les cheminots défendaient
effectivement leur métier. Et on a brocardé les syndicats, en
allant jusqu'à survaloriser, comparativement, les associations... Les
champs d'intervention sont-ils pourtant si différents ?
Gilles Balbastre : Je suis
journaliste et j'ai passé cinq ans au bureau de France 2 à Lille,
entre 1990 et 1995, juste avant le mouvement de décembre...
J'habite à Lille et j'ai été frappé
en 95 par le peu de manifestants dans le Nord : quand il y avait 120 000
personnes à Marseille ou 70 000 à Bordeaux et à
Toulouse, la plus grosse manifestation à Lille a fait 35 000
personnes, dans une région où la crise, la misère et la précarité
veulent pourtant dire quelque chose. J'ai été frappé par la
difficulté de mobilisation dans une région qui est d'une part
traditionnellement à gauche, en tout cas d'une certaine gauche, le P.S. étant
très présent, et d'autre part une région où la crise
a frappé les grosses industries, les bastions syndicalistes. Dans ce
contexte, 35 000 manifestants à Lille, une métropole d'un
million d'habitants, c'est très peu.
Pendant les cinq ans où je suis resté au
bureau de France 2, avec toute la relativité du travail qu'on
pouvait faire, rapidité, survolage de l'information, j'étais frappé
par la misère et la trouille des gens, qui étaient le plus souvent
complètement désabusés.
Donc pour en revenir au problème de la médiatisation,
on peut effectivement d'abord relever que les journalistes sont souvent sur le
registre de l'antisyndicalisme primaire. Et on touche là un problème
de recrutement, surtout à la télévision, les journalistes étant
recrutés dans une classe sociale petite-bourgeoise, où la
conscience de lutte et la conscience de classe, sont devenus des mots assez
lointains. Si on ajoute à cela deux années de formatage à
l'école de journalisme, il n'est pas étonnant qu'ils soient
quelque peu décalés face au mouvement de 95... Tout en étant
certainement de bonne foi, et en parlant au nom du peuple, ou tout au moins
d'une opinion publique, ils produisent une représentation assez étriquée
du monde ouvrier.
Dans un article du Monde diplomatique, "La
classe ouvrière privée de télévision",
j'avais analysé le 13 heures de TF1. Je montrais que la représentation
de la classe sociale "populaire", c'est souvent le petit commerçant...
Ou encore, à la fin du 13 h, il y a souvent un reportage, assez long, sur
le dernier fabricant de cloches dans le Béarn, avec un béret, une
gitane maïs, et en plus, le pauvre ne trouve pas de remplaçant, avec
tout le chômage qu'il y a, etc. Par contre, des mines de Lorraine qui vont
fermer, on n'en parle pas. On commence à en parler quand elles ont fermé.
Il y a certes eu des "envoyés spéciaux ",
et Germinal, qui a généré pas mal de reportages. Mais le
mouvement général reproduit un peu la phrase de Certeau lorsqu'il
dit que c'est quand une culture populaire est éteinte qu'on commence à
s'y intéresser, parce qu'avant elle fait peur.
C'est une des raisons pour laquelle je suis parti du bureau
de France 2. En 1990 quand il y avait des gens comme Rachid Arab ou Trillat qui
était numéro deux de la rédaction, il y avait encore un
soupçon de travail de fond. En 93, il y a eu jusqu'à 5 000
emplois supprimés dans le textile dans la région
Nord-Pas-de-Calais, après les grands licenciements des années
78-80 dans la mine et la sidérurgie. Mais là on n'en parlait pas.
Il fallait qu'il y ait plusieurs milliers de licenciements et des manifs avec de
la casse pour qu'on puisse en parler. Le cas des Lainières de Roubaix est
saisissant. C'est une des plus grosses entreprises de textile du Nord, qui a eu
jusqu'à 7 000 salariés. En 90 elle comptait encore 1 700
salariés, et maintenant il n'y en a plus que 200. En fait, il n'y a
quasiment jamais eu de reportage sur cette entreprise qui a été démantelée
peu à peu. En terme d'actualités, du 13 h ou du 20 h, même
au sein d'un magazine comme Envoyé spécial, Robert
Benyamin nous disait "On ne veut pas de social, parce que ça
ne fait pas d'audimat". Donc il y avait systématiquement
refus pour des sujets d'occupations d'usines, de lieux, de grèves etc. Ce
qu'on ne refuse pas, ce sont les sujets caritatifs, tout ce qui est Restaurants
du coeur, Emmaüs...
Cela pose la question de savoir ce qu'attendent les médias,
et comment on répond à leur demande. Même dans l'extrême-gauche
et en tout cas dans certaines associations, comme les coordinations en 95,
d'infirmières ou de cheminots, il y avait quelque chose qui allait au
devant des demandes médiatiques : des interventions un peu
spectaculaires, des choses qui vont dans le sens de la télé en
termes d'images... Je pense à Act up ó et je ne critique pas
seulement, j'analyse en même temps ó qui a tendance effectivement à
aller dans cette surenchère de la mise en forme. Dans le même
temps, des mouvements plus traditionnels se retrouvent privés de toute médiatisation
parce qu'ils ne rencontrent pas du tout la demande fondamentalement mercantile
des médias. Il faut vendre, et pour vendre il faut une accroche. Pour
cette acroche il faut du spectacle et je pense que certains ont su faire cette
mise en spectacle de la lutte sans être persuadé que c'est si bien.
Il faudrait y réfléchir. A moyen terme, je ne sais pas si cela
pose les problèmes de fond. Je vois comment sur le terrain, des syndicats
traditionnels essayent de se conformer à la demande médiatique,
presque en s'excusant de prononcer des mots comme "lutte de classe". Même
si des gens y pensent profondément, ce n'est pas dit. On a remplacé
certains termes par d'autre mots, mais je ne sais pas si cela donne une
meilleure lisibilité.
En 94, nous étions au bureau de France 2, et les
pêcheurs de Bretagne arrivaient à Boulogne-sur-Mer, qui est le plus
grand port de pêche en France. Nous attendions avec toute la presse
nationale et locale, corrrespondants de TF1, France 2, l'AFP, etc.. on s'est
retrouvés soixante-dix journalistes à attendre les pêcheurs,
et surtout attendre qu'ils viennent casser.
(projection d'un extrait du Journal télévisé)
Vous venez donc de voir un extrait du 20h. L'action que vous avez vu a duré 10 minutes en temps réel mais ce qu'il faut considérer, c'est que tous les médias étaient là. Pour voir cet incident, il y avait des directs, des cars, toute la matinée on attendait ça. Moi-même, j'étais caméraman, à 200 mètres de l'action, en plan très serré, l'action n'a pas duré plus de 10 minutes. Après quoi, à midi, on file au camion régie pour monter. Entre-temps un journaliste s'était mis au travail pour préparer les images qui allaient permettre de raconter la venue des pêcheurs bretons dans la matinée. Et moi, j'arrive avec le "matos", "l'or en barre", l'action, la violence. On était censé utiliser ces images en fin de reportage. En fait, elles ont été montées sur une minute, en début de journal, pour dire - c'était Patrice Chain qui présentait à l'époque - que Boulogne était à feu et à sang. Tout cet argent dépensé, il fallait que cela débouche sur quelque chose, et c'est vrai qu'à la limite les pêcheurs nous ont rendu service, en tout cas les jeunes, en allant s'affronter aux CRS. C'est spectaculaire même si ce n'est pas grand chose et en même temps cela permet à la télévision d'être factuelle, c'est-à-dire de ne pas travailler en profondeur. A un moment, on oppose même les pêcheurs boulonnais et les pêcheurs bretons, alors qu'en réalité il n'y a pas opposition. On crée un scénario qui correspond à ce que les médias attendent, et cette dramatisation-là est tout un phénomène. Derrière, vous avez l'AFP, LCI, qui vont tartiner, France Info, tous les quarts d'heure "C'était Boulogne-sur-Mer à feu et à sang". Imaginez un rédacteur en chef, avenue Montaigne, à France 2 ou à Boulogne, à TF1, toute la journée branché sur l'AFP, l'oreille sur France Info , et l'oeil sur LCI. Il voit cela et vous demande d'en ramener du terrain. Si vous ne le ramenez pas, vous n'êtes pas un bon journaliste. Et en fin de compte, même pour le journaliste qui a un tant soit peu de conscience, cela va tellement vite, la demande est tellement forte, qu'il est très difficile de résister.
Intervenant dans la salle :
Quand Bilalian parle au nom d'une opinion publique, à quoi répond-il
? Des entreprises sont chargées d'établir
les attentes d'une majorité de français et le font avec
des techniques de sondage tout à fait suspectes. Il faut savoir que Naon
et Benyamin, le vendredi matin à 9h, décryptent tous les thèmes
d'Envoyé Spécial. Et tous les thèmes en-dessous de 20%
d'audimat, ils ne les font plus.
Je ne vois pas pourquoi les médias parleraient
correctement du mouvement social. Tout cela se fait sur un fond économique
de libéralisme dans les médias, la plupart des télés
étant actuellement aux mains de groupes financiers capitalistes Bouygues
TF1, Générale des Eaux qui a pris la majorité d'Havas qui
possède Canal +, etc. Il y a de vraies stratégies nationales et
internationales dans la possession des médias par de gros groupes
capitalistes financiers. L'information n'étant qu'une partie inclue dans
une stratégie autour des nouvelles techniques de communication, notamment
de la téléphonie, de la communication, des bouquets numériques...
Là-dedans, l'information devient un produit mélangé à
toute une stratégie, alors au bout, je ne vois pas pourquoi les médias
parleraient correctement d'un mouvement social.
François Guillement : Vous avez dit que le mouvement social crée des formes de lutte spectaculaires pour passer à la télé. On s'aperçoit que ce sont plutôt les associations de luttes qui participent de ce phénomène que des syndicats. Est-ce que vous en avez une explication ?
Pierre Contesenne :
L'explication de quoi ? La surmédiatisation tu veux dire ? Nous àDroits
Devants !, nous avons une petite habitude de mise en scène et
non pas de spectacle, parce que là encore, il y a quelques postulats
qu'il faut peut-être discuter. A commencer par la vision binaire et
diabolisante que les médias sont tous pourris et qu'il faut systématiquement
leur rentrer dans la gueule... Je crois que ce n'est pas si simple ! Les
journalistes ne sont pas tous pourris et il y en a au moins un ici qui ne dira
pas le contraire... Il y a des contraintes objectives, qui sont celles de tous
ceux et celles qui sont en situation d'influer sur l'opinion. Un journaliste a
une reponsabilité, qu'il passe à la télé ou qu'il écrive.
Il y a production de sens, largement diffusé, et de ce point de vue il
est évident que les médias sont un enjeu politique et idéologique
essentiel. Cela a toujours été, mais les moyens techniques actuels
font que c'est un enjeu toujours plus important, qu'il faut considérer
d'un point de vue politique comme un enjeu de lutte. On sait qu'on est utilisé
par les médias, on sait aussi qu'on peut les utiliser. C'est un jeu
dangereux qu'il faut savoir mesurer.
Cela dit, le problème des médias renvoie à
une problématique de fond, de l'accélération du temps, en
tout cas de l'information, que certains comme Virillio ou d'autres essayent de
théoriser. Les journalistes sont des individus comme les autres,
citoyens, citoyennes, ont leur propre imaginaire social, leurs propres
fantasmes, doutes, certitudes, et à un moment donné il peuvent
penser qu'il se passe quelque chose d'essentiel, d'historique. Au début,
les actions du DAL étaient surmédiatisées, mais aujourd'hui
on en parle beaucoup moins. C'est aux associations de gérer cela
intelligemment. Des actions spectaculaires à un moment donné se
banalisent : les occupations d'églises par les sans-papiers, d'Assedic
pour les chômeurs... Dans le journal La Croix, il y a une
interview des principaux responsables de journaux télévisés,
de France 2 et France 3 qui s'autocritiquent en parlant de la surmédiatisation
du mouvement des chômeurs, ce qui traduit bien cette espèce
d'hypocrisie de ceux qui ont le pouvoir médiatique.
François Guillement : Ma question n'était pas vraiment critique. Elle était était de savoir pouquoi ce ne sont pas les syndicats qui font cela ?
Pierre Contesenne : À
mon avis, c'est une dimension culturelle. Personnellement, je suis syndicaliste
d'origine. J'ai investi le mouvement associatif depuis le début des années
90 avec le DAL, et c'est vrai que le syndicalisme est traditionnellement très
marqué par la culture de l'entreprise. C'est la fameuse question de la
centralité du travail qui aujourd'hui traverse tout le mouvement
social. Quand il y a trois millions de chômeurs, des centaines de milliers
de gens dans la rue, qui n'ont pas de logis, il ne suffit pas de dire en bon
syndicaliste de base : "La solution, c'est du boulot pour tous".
Il s'agit plutôt de savoir comment on fait pour prendre en compte et
affronter cette réalité, ici et maintenant. Ce qui fait que des
mouvements associatifs se sont constitués, et qu'une partie des
syndicalistes ont conscience des limites de l'action syndicale, c'est le fait
que celle-ci continue globalement de ne pas prendre en compte tous ceux qui sont
relégués hors de la sphère du travail traditionnel. Mais ça
commence à changer.
Et si actuellement les médias, le gouvernement et
tous ceux qui pèsent sur l'opinion ringardisent les syndicats, faisant
apparaître les associatifs comme plutôt sympathiques, je pense que
cela ne va pas durer.
Catherine Lévy : Les syndicats ont aussi pratiqué des opérations coup de poing ou des actions spectaculaires qui n'ont jamais été reprises par les médias. Donc, il faut être aussi être plus mesuré dans ce type d'appréciation.
Intervenant dans la salle :Le désengagement politique, la désyndicalisation, les mouvements associatifs sont des thèmes qui en tant qu'individu me préoccupent. Ce que vous dites sur les syndicats, et leur représentation par les médias est important, mais pourquoi ce désengagement sur le fond ?
Gilles Balbastre : La médiatisation n'est surement pas le fond du débat. En parlant de médiatisation, on parlait aussi de l'idée que peuvent donner les médias d'une désyndicalisation, ou du fait de jouer d'un milieu associatif et de le mettre en avant face à un mouvement syndical. Est-il important de savoir si les syndicats doivent faire la même chose que des associations pour pouvoir passer à la télé ? La réalité c'est que le mouvement de décembre 95 a été porté par eux, que le mouvement des chômeurs est soutenu par la CGT, etc. Autre chose est la question de savoir comment des gens perçoivent la syndicalisation en France à travers les médias. Et c'est quelque chose dont l'importance est à relativiser. Le mouvement de 95, c'était pour l'essentiel le fait des syndicats. Quant à la CGT en particulier, elle continue à être majoritaire dans beaucoup d'entreprises, et continue de participer à des luttes bien réelles.
Catherine Lévy : On sait qu'après 95, tous syndicats confondus, il y avait plus de syndiqués qu'auparavant. On sait aussi que les non-syndiqués ont participé complètement au conflit de 95 et dans certains endroits très précis, comme chez les cheminots, des grèves ont été prises en main par les non-syndiqués. C'est un phénomène nouveau ó il y a eu un apprentissage de la démocratie ó qui est en train de changer la pratique syndicale traditionnelle. Dire maintenant comment cela va changer est extrêmement difficile.
Intervenant dans la salle:
Petite anecdote sur la question des médias : au Quai de la Gare, où
logeaient un grand nombre de familles qui n'intéressaient pas les médias
français, après quelques mois, quand la gale et des maladies se développaient,
c'est l'intervention d'une télévision japonaise se servant de
cette situation pour diffuser dans les avions de la Japan Airline un reportage
sur les migrants en France, qui a permis le relogement, dès le lendemain,
de 500 personnes.
Par rapport à l'histoire du mouvement social et aux développements
possibles, il est juste de dire que les organisations syndicales, depuis 1884,
ont mené des opérations coup de poing. La différence avec
le mouvement associatif est que leur action est fondamentalement liée à
la problématique du travail et du maintien de l'emploi. Ce qui produit
souvent une image corporatiste, et défendue comme telle par les
organisations syndicales. Le mouvement des associations, à partir des années
90, s'orientait vers une autre problématique, par exemple le droit au
logement. Il ne disait pas "le droit au logement pour les migrants ",
sachant néanmoins que c'était à 99% des migrants qui se
battaient sur ce terrain. Mais il posait une question fondamentale : le
droit au logement pour tous.
Les organisations syndicales étaient sur des bases très
corporatistes, sur une vision restreinte de la société. Catherine
Lévy a rappelé qu'elles avaient du mal à projeter sur les
questions d'avenir. A l'inverse, le mouvement associatif posait un problème
sociétal et projetait sur l'avenir, le tout étant de savoir s'il
pouvait ou s'il peut y avoir des passerelles. Je crois que le mouvement de 95 a
été un moment de convergence, parce que c'était une réalité
toute bête : il n'y avait plus une famille sans un chômeur, des
galères pour payer les factures, le loyer, des expulsions... La
convergence s'est faite naturellement.
On peut en revanche exprimer quelques inquiétudes sur
la pérennité de cette convergence. En voyant par exemple les
pratiques de la CGT : avoir conduit le mouvement des chômeurs d'une manière
restrictive sur la question revendicative d'un revenu et d'un emploi, n'était
pas représentatif du mouvement social, et des années de
construction du mouvement social, pour aller vers un mouvement large sur les
droits fondamentaux, économiques, sociaux, culturels, de la citoyenneté.
On ne casse pas ce mouvement pour un enjeu revendicatif. Il faut être extrêmement
vigilant. Il est bon que les organisations syndicales fassent des convergences
avec le mouvement social associatif, mais encore faut-il qu'elles n'aient pas
des envies hégémoniques.
Jean-Louis Frizuli :Les
mouvements sociaux, le plus souvent, et y compris ceux de novembre-décembre
95, ne sont pas l'émanation des organisations syndicales. Ils sont l'émanation
de luttes spontanées à la base, qui se sont organisées et
qui sont ensuite reprises par les organisations syndicales. C'est le cas
notamment des cheminots. La CGT avait proposé une journée d'action
et ce sont les comités de base cheminots qui ont rejeté la
proposition et sont partis sur une grève illimitée. De la même
façon, quelques années auparavant, les cheminots avaient mis en
place leur propre coordination et de la même façon les infirmières
avaient lancé leur propre initiative. Le problème qui se pose
aujourd'hui est qu'au fil des années, les syndicats ont perdu leur crédit.
Ils ne sont plus ou peu en capacité de lancer des initiatives et des
mouvements importants. La problématique du militant syndical
d'aujourd'hui est d'arriver à recréer un syndicalisme porteur
d'initiatives, parce que l'on sait aussi que la lutte spontanée a ses
limites. Au niveau du syndicat SUD, les objectifs qu'on s'est fixé sont
de partir de ce que l'on voyait, donc de cette volonté des gens de
vouloir prendre en charge eux même leur avenir, leur lutte... et d'essayer
de le faire coincider avec le syndicalisme. Ce n'est pas facile du tout. Parce
qu'on doit surmonter tous les murs qui se présentent, tout ce qui a été
mis en place dans la société. Pour les syndicats c'est la même
chose, cela nous a demandé de changer un certain nombre de choses au
niveau de la façon dont on se présente aux médias. Il ne
suffit pas de faire des opérations coups de poing à une vingtaine
de personnes en vue de passer à la télé. Cela ne représente
pas vraiment un mouvement social. Il y a aussi d'autres interventions à
faire auprès des médias, comme celle de donner une image correcte
du syndicalisme honnête et sincère, vis-à-vis des salariés,
des chômeurs. Il faut avoir la même démarche, il faut
informer, il faut leur donner le pouvoir, leur expliquer, et leur donner la
possibilité de prendre ce pouvoir. C'est la très grosse difficulté,
car dans la société aujourd'hui, cela n'avance pas dans ce sens-là.
J'ai une anecdote, où l'on voit la différence
entre un syndicat comme la CGT et un syndicat comme SUD : A La Poste, il
nous est arrivé à plusieurs reprises d'organiser des débats
contradictoires sur des sujets à propos desquels les syndiqués ou
les militants ne trouvaient pas de position unie. On a sorti un tract où
on appelait tout le monde, y compris les non-syndiqués, à donner
leur point de vue. On a été critiqués sur le mode : "voyez,
ce syndicat n'est pas sérieux, ils n'ont pas de point de vue, ils ne sont
pas clairs". Or on ne faisait que casser cette image du syndicat
qui a toujours raison. Ce qui n'efface pas le problème de la baisse du
nombre de militants, qui sont pour l'essentiels des gens issus du militantisme
des années soixante-dix.
Gilles Balbastre : En tant que journalistes, nous avons tenté plusieurs fois de faire des reportages dans ces entreprises, pour voir comment cela se passe. Et ce qu'on a vu, ce sont moins les syndicats qui ne s'adaptent pas, que les patrons qui ne laissent pas passer ! Il y a une violence répressive en ce moment en France, et une dégradation des conditions de travail dans les petites entreprises. Sortir voter à 11 h pour les Prud'hommes, c'est déjà la marque d'un syndicalisme pour nombre de petits patrons. Les journalistes qui ne font pas dans la finesse voient par exemple dans les chiffres de ces élections la manifestation d'un désintérêt, d'une désyndicalisation alors que dans la réalité c'est surtout une grande trouille de perdre son travail. Dans les petites entreprises quand on essaye de faire des reportages, les gens ont souvent peur de parler.
Catherine Lévy :
1968 a été la possibilité légale d'avoir une section
syndicale d'entreprise (voyez le film Reprise). En 68, les conditions de
travail était épouvantables. Il y avait de grosses boîtes où
il n'y avait pas de syndicat. Il y avait par exemple toute la ferblanterie :
des usines de trente ou quarante ouvrières avec un contremaître,
dans la banlieue nord de Paris, à Genneviliers. Elles fabriquaient des
boites de conserve. Ces femmes travaillaient sur des presses, et n'avaient
aucune protection sociale. Nombre d'entre elles étaient amputées
d'une manière ou d'une autre (des doigts en moins), et elles ne
connaissaient pas les syndicats. Elles ont découvert avec les grèves
de 68 les conventions collectives, et ont adhéré à celle de
la métallurgie... Ce n'est pas si vieux. Trente ans, une génération.
Jusque dans les années 70 il y a eu des grèves,
des conflits terribles dans des grosses boîtes, dans la chimie, où
les conventions collective n'étaient pas respectées par exemple.
Et pourtant il y avait des conventions et des organisations syndicales. Il ne
faut pas oublier non plus qu'en France, le taux de syndicalisation a toujours été
assez faible par rapport à l'Angleterre, la Belgique, l'Allemagne... En
Angleterre et dans certaines boites aux État-Unis, il y avait une clause
qui empêchait d'entrer dans l'entreprise si on n'était pas adhérent
du syndicat. En France, ce n'était vrai que pour l'imprimerie et les
dockers, par conséquent syndiqués à 100%. En Belgique, les
syndicats gèrent beaucoup de choses, dont les retraites. Les histoires
sont différentes, il n'y a pas à rêver d'un paradis perdu
que seraient les années soixante-dix. Les conditions de travail, les inégalités,
le traitement des immigrés, les rapports entre les hommes et les femmes
n'étaient pas vraiment exemplaires.
Intervenante dans la salle : Je ne suis pas syndiqué mais ai participé en tant que
gréviste au mouvement de 95. Je voulais savoir si à votre avis,
sans les syndicats, ce mouvement aurait eu cette ampleur.
Je voulais aussi confirmer le fait que grâce à
un progressif apprentissage de la démocratie, beaucoup de gens se sont
impliqués dans ce mouvement sans être syndiqués. À
l'endroit où je travaille il n'y avait que deux syndiqués sur un
groupe important. Des gens représentant la CGT entre autres, étaient
toujours présents, et j'ai assisté à une véritable séparation.
On faisait les choses ensemble mais côte à côte seulement. On
tenait compte des mots d'ordre, on se retrouvait, on se rassemblait, mais il n'y
avait pas de véritable collaboration ni d'échanges d'idées.
Et là, j'inviterais les syndicats à revoir leur manière de
faire parce que malgré tout, je les sens indispensables, peut-être
pas comme syndicats, mais une fois le mouvement fini, même si nul n'espère
qu'un tel mouvement soit fini, qu'est-ce qu'on fait quand on n'est pas syndiqué ?
On est paumé, laché dans la nature, on ne sait plus quoi faire de
sa propre envie de participer.
Jean-Louis Frizuli : Je
pense que si les organisations syndicales avaient fait ce qu'elles auraient dû
en novembre décembre 95, nous aurions été beaucoup plus
loin que là où nous avons terminé. Il y a des critiques qui
ont été portées pendant ce mouvement, par exemple l'entrée
tardive de la FSU dans le mouvement, ou l'appel inexistant à une grève
générale dans le privé qui a eu un impact sur la motivation
des grèvistes du public qui eux faisaient beaucoup. Un autre exemple :
la division syndicale. Par exemple, la C.F.D.T. a eu des positions loin d'être
correctes pendant ce mouvement, et a contribué chaque jour à démotiver,
à créer la confusion.
Il faut voir aussi qu'on est passé d'un patronnat
assez dur, le taylorisme en gros, à un nouveau type de management et un
nouveau type de culture d'entreprise, qui a mis le syndicalisme en face d'une
situation nouvelle. Et face à cela, la langue de bois a été
payée très cher en terme de désyndicalisation. Les nouveaux
syndicats et peut-être aussi les syndicats classiques, réfléchissent
sur ces questions, à l'image de novembre-décembre, où les
analysent et revendications ne portaient pas seulement sur des primes ou des réformes
économiques, mais aussi sur les questions de fond du service public. Ne
plus vouloir ce monde foncièrement commercial où chacun doit éliminer
l'autre pour s'en sortir, mettre l'accent sur un service public au service d'une
collectivité. Ces idées et ces valeurs sont aujourd'hui de plus en
plus reprises par les syndicats et vont peut-être permettre, si on arrive à
refaire la même chose dans le privé, de redonner une vie au
syndicalisme. Le fait d'intervenir en parlant des syndicats à la troisième
personne du singulier ou du pluriel est un autre problème. Les gens
restent en dehors des syndicats, n'y rentrent pas pour changer les choses. Or je
crois que c'est à tout le monde de prendre en charge cette lutte.
Intervenant sans la salle :
A propos du film Reprise, en 1968, ce sont les syndicats qui ont représenté
pour moi les grands entremetteurs de cette reprise. Donc, c'était une
grande déception qui n'était pas seulement la mienne, mais celle
de milliers de gens.
Par contre, maintenant, quand je vois la Française
des jeux faire sa publicité avec Marx, Mao-tsé-Toung, "camarades
la victoire est au bout du grattage"... je suis vraiment navré
de voir si peu d'indignation alors que ce sont les plus démunis qui vont
effectivement aller gratter, en se disant qu'il n'y a plus de lutte, sinon sur
un plan strictement individuel.
Gilles Balbastre : L'engagement syndical est certainement une des premières démarches que l'on doit faire. Cela fait treize ans que je suis journaliste et à peine deux ans que je me suis syndiqué. Pendant onze ans j'étais à côté, pourtant très impliqué politiquement. Je suis au SNJ-CGT. Je pense qu'il y a des choses qui bougent.
Intervenant dans la salle :
Je suis syndiqué et militant politique. Je pense aussi qu'il y a un
renouvau du syndicalisme. Peut-être que le discours est moins idéologisant.
Il y a des actions souterraines, et je pense que cela va émerger
brutalement. Le combat doit être effectivement mené surtout dans le
privé. Les syndicats y sont relativement absents notamment dans les boîtes
de moins de 50 personnes. Il est plus facile de se syndiquer et de se battre
dans le secteur public, on en a les moyens, la logistique. Amener dans le privé
une culture d'organisation, et mettre en place un appareil de formation, une
transmssion de la mémoire syndicale, ça n'existe pas encore
vraiment dans ce pays.
Par ailleurs, je crois qu'on ne pourra pas faire l'impasse
de l'histoire syndicale en France et que c'est seulement à partir de ces éléments
historiques qu'on pourra réinventer des pratiques syndicales.
Intervenante dans la salle : Au cours de ces journées Citoyen Spectateur, nous avons parlé d'une probable crise de la démocratie à travers une crise de la représentativité. Je me pose la question de savoir si au niveau syndical, il n'y aurait pas aussi cette crise, qui fait que des gens hésitent toujours à y entrer. Je ne suis pas une citoyenne endormie, à l'écart de tout, j'essaye au maximum de participer à la vie de mon pays mais ne suis pas syndiquée. Cela me manque parfois de ne pas être rattachée à un groupe, mais j'ai toujours eu l'impression que les syndicats étaient inféodés, soit à un parti politique, soit au patronat, et que les gens qui représentaient ces syndicats dans les contacts avec le gouvernement, ne me représentaient pas.