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film : Izkor, de Eyal Sivan, 1990
conférence/ débat avec :
Séverine
Labat (politologue, auteur de Les islamistes algériens entre les
urnes et le maquis, Ed du Seuil 1995),
Emma Shnur (philosophe),
Eyal Sivan (cinéaste)
Séverine Labat :Pour
commencer, je dois dire que je n'ai jamais travaillé sur la société
israélienne, mais en revanche, le film m'a renvoyée aux études
que je mène sur l'Algérie depuis plusieurs années.
L'intitulé du débat porte sur les facteurs à la fois
culturels et éducatifs qui peuvent mener à la violence dans une
société donnée. Peut-être faut-il dire d'abord que
les racines de la violence actuelle ne peuvent être limitées à
la seule explication culturelle ou au seul domaine éducatif, et que dans
le cas de l'Algérie, ces racines se plongent quand même aussi dans
son histoire nationale. Ce que le film peut m'inspirer en premier, ce sont les
dangers de de l'édification et de l'instrumentalisation d'une culture
nationale officielle unanimiste.
En Algérie cette culture nationale s'est forgée
à la fois dans la guerre de Libération et depuis 1962, depuis
l'Indépendance, par une conception extrêmement fermée du
nationalisme qui a été véhiculée par l'enseignement.
Cette conception est née dans la guerre de libération nationale
puisque depuis 1962, toute l'histoire de l'Algérie antérieure à
la naissance du FLN a été éludée. Cette négation
de l'histoire est passée par une négation des particularismes à
l'intérieur de la société algérienne. Ça a
commencé par le particularisme berbère puisqu'en 1949, le FLN a été
secoué par ce qu'on a appelé la crise berbériste. A l'intérieur
du FLN, toute expression de tendances exprimant autre chose que le nationalisme
qui était en train de se forger a été proscrite. Ça
a conduit également à la négation de toute la dimension
juive de l'identité algérienne puisque la présence des
Juifs en Algérie datait de bien avant la colonisation et que c'est aussi
une partie de la mutilation de la mémoire en Algérie. Une mémoire
également diminuée par l'interdiction de toute différenciation
politique à l'intérieur du parti unique et qui a conduit à
ce que certains personnages-clefs du nationalisme algérien - je
pense à Farhât Abbâs ou à Messali Hadj, les deux pères
fondateurs du nationalisme algérien -, ne soient pas mentionnés
dans les livres parce qu'ils ne font pas partie de cet unanimisme de la culture
officielle. Unanimisme qui s'est traduit par une instrumentalisation des deux
grandes faces du nationalisme algérien, à savoir l'arabisation et
l'islam.
Alors on pourra revenir sur cette instrumentalisation, mais
ce qu'il faut noter, c'est que dans les années quatre-vingt, est arrivée
à maturité politique la génération qui avait été
formée dans le système éducatif algérien, et donc
formée par cet unanimisme. Une génération qui s'est mise à
revendiquer cette expression extrêmement fermée de la culture et du
nationalisme et qui s'est mis également à reprocher à ceux
qui en avaient été les promoteurs de ne pas se conformer
exactement au discours qu'ils avaient promu. Ça a donné naissance à
l'islamisme qui prétend être le stade suprême du
nationalisme. Un islamisme qui reprend une grande partie du discours
tiers-mondiste que le F.L.N pouvait avoir, avec un discours extrêmement
agressif vis-à-vis de l'Occident, et notamment vis-à-vis de la
France, mais également vis-à-vis de ce qu'on pourrait nommer les
ennemis héréditaires de l'Algérie et je pense notamment au
Maroc. Et on retrouve dans le discours des islamistes aujourd'hui vis-à-vis
du Maroc les mêmes intonations que celles des dirigeants nationalistes
d'il n'y a guère. On voit finalement aujourd'hui se retransposer depuis
le début des violences, en quatre-vingt douze, dans un registre
paroxystique cette conception ultra-nationaliste puisque les islamistes
aujourd'hui se prétendent être les "vrais " Algériens
ce qu'on retrouve dans toute leur littérature.
A l'inverse, le pouvoir accuse les islamistes de n'être
qu'une bande de harkis manipulés par l'étranger... Donc le thème
de la main de l'étranger, qui a été omniprésent dans
cette culture nationale forgée depuis l'indépendance, est repris
par la nouvelle génération. Ce qu'on voit finalement, c'est que la
manipulation d'une culture officielle a conduit à ce qu'aucun conflit
politique ne puisse s'exprimer, qu'il soit un conflit de classe ou qu'il
s'exprime sous d'autres formes : on n'arrive plus à désigner
des adversaires, on n'arrive qu'à définir des ennemis.
L'adversaire, on peut le combattre dans des luttes politiques ou via des
organisations qui arrivent à médiatiser les conflits et à
les décharger de leur potentialité violente. L'ennemi, au
contraire, ne peut être qu'éradiqué.
Donc je crois que les violences qui agitent aujourd'hui
l'Algérie renvoient en partie, à tout ce système éducatif
et à cette façon dont on a instrumentalisé une certaine mémoire
officielle. Pour finir je voudrais quand même assortir ce que je viens de
dire de précautions, à savoir qu'est loin de moi l'idée d'évoquer
une quelconque tradition historique de violence en Algérie et qu'on ne
peut pas interpréter les violences aujourd'hui en Algérie que par
cet aspect culturel et éducatif. Ça s'est finalement conjugué
à d'autres facteurs qui ont donné le caractère explosif de
ce à quoi on assiste aujourd'hui.
Emma Shnur : J'ai vu le film
d'Eyal Sivan alors que je travaillais dans les écoles primaires comme
formatrice d'instituteurs. Et je l'ai trouvé formidable ; jamais je
n'avais vu ainsi examiner le rôle d'un enseignement, d'une formation de la
jeunesse en vue d'un certain projet de société. En ce sens, ce
n'est pas seulement un film sur la situation israélienne, la violence
d'une formation nationaliste, l'instrumentalisation de la mémoire, la
construction éducative d'un dévouement patriotique en Israël
- c'est un film sur tout cela, bien au delà d'Israël. Et c'est comme
ça que j'aurais aimé le montrer dans des stages de formation sur
l'enseignement de l'histoire, même si je ne l'ai pas fait beaucoup, parce
qu'il était difficile, ici, de dire : "laissez de côté
la question israélienne, et réfléchissez sur une situation éducative,
pour comprendre ce que nous voulons faire, ce que nous risquons de faire, et ce
que nous ne voulons pas faire".
On sait que l'école républicaine, celle de
Jules Ferry, celle qui a formé les soldats de 1914, a beaucoup contribué
à forger un certain type de dévouement patriotique ; on jette rétrospectivement
un regard qui peut être sévère sur l'enseignement de
l'histoire de ce temps - mais on n'a pas de film qui nous rende évident
ce qu'a pu être cette emprise émotionnelle sur les enfants du récit
patriotique. Il ne s'agissait pas de juger Israël, mais de comprendre ce
qu'on fait quand on enseigne l'Histoire, quand on travaille la mémoire,
quand on forge une identité nationale à partir d'un récit
historique.
Ce film est arrivé à un moment où nous étions
très sensibles aux idées qui le structurent. Au moment de la
sortie de Izkor, dans les années quatre-vingt, on avait subi de
plein fouet toutes les idées des années soixante-dix. Le film
montre comment des enseignants très honorables, aimant leur métier,
leurs élèves et leur pays, se retrouvent à enserrer les
enfants très jeunes puis les adolescents dans un noeud coulant fait d'émotion
et de nationalisme, qui va mettre ces élèves en condition
d'accepter dignement, voire héroïquement, de se sacrifier pour le
pays, et de sacrifier, au passage, leurs ennemis. La violence de cette mise en
condition de la jeunesse (ce "bourrage de crâne", comme nous
disions quand j'étais lycéenne) touche une corde sensible en
France : les gens de ma génération ont grandi dans la contestation
du nationalisme : notre hymne d'adolescents, c'était le Déserteur,
pas la Marseillaise.
Toute cette mise en cause avait beaucoup agité les
gens. On ne pouvait plus faire tranquillement, avec la foi du charbonnier,
l'histoire nationaliste façon petit Lavisse, celle qui nous avait été
enseignée et qui était désormais déconsidérée,
en particulier par la prise de conscience de la décolonisation. Il y a eu
aussi toute cette montée des identités régionales,
minoritaires, qui contestaient le grand récit héroïque français
unanimiste, républicain. L'histoire de France était un des piliers
de l'école républicaine : la mise en cause de toutes ces
certitudes en a fait une discipline extrêment désemparée. Et
on ne sait plus ni quoi enseigner, ni comment enseigner dans l'école
primaire.
Le résultat le plus clair à la fin des années
quatre-vingt, c'est qu'en pratique, on n'enseignait plus beaucoup l'histoire à
l'école primaire. Qu'est-ce qu'on faisait ? On faisait des "sujets
d'études ". Essentiellement la préhistoire, les châteaux
forts etc. La grande réussite de la critique des années
soixante-dix, le grand champion de l'histoire à l'école primaire,
c'est la préhistoire... Ça évitait les conflits.
Alors il fallait reconstruire quelque chose à partir
de ça. Et donc j'ai vu ce film à ce moment-là. Et ce que je
trouvais de très fort dans ce film, c'est qu'il peut être reçu
à trois niveaux, du plus singulier au plus universel. On s'attache à
des singularités très bien identifiées, à des
personnes : les portaits sont toujours fins, nuancés, subtils - Eyal
Sivan ne caricature jamais ses personnages, il nous fait entrer par empathie
dans leur vision, dans leur compréhension des situations, et en même
temps, il nous révèle et leur révèle à eux-mêmes
leurs failles, leurs dilemmes, leurs contradictions. A de tels personnages, on
peut s'identifier parce qu'ils ne sont jamais mis à distance comme des
objets, ils sont respectés dans leur subjectivité et leurs
raisons, leur bonne foi - mais en même temps qu'on s'identifie, on réfléchit
de façon critique, parce que justement, c'est un film, et qu'on peut
observer avec objectivité des conduites en situation. C'est tout l'art
de son approche des personnages et du montage, que de composer ces portraits qui
permettent tout à la fois de comprendre avec une lucidité sévère
qui n'exclut pas la tendresse, dans l'empathie et dans la distanciation, aussi
bien les Israéliens que les Palestiniens, de sympathiser avec chacun tout
en réalisant comment chacun est piégé par son idéologie.
Nous n'avons pas de mot très fort pour désigner cette qualité
rare et puissante qui est le contraire du manichéisme. Subtilité,
sens des nuances ? Ce sont des mots faibles, qui passent inaperçus.
On suit donc pas à pas des personnages, des histoires
singulières qui permettent une certaine forme paradoxale d'empathie, une
empathie critique.
Mais il y a un deuxième niveau, qui est une situation
particulière : un pays, une culture, un problème historique à
un moment donné. Ces gens sont dans un pays bien particulier qui est Israël,
et on a beaucoup de données culturelles qui font que c'est ce pays-là
et pas un autre.
Et il y a un troisième niveau : il traite de problèmes
qui eux sont tout à fait universels, comme le rôle de la mémoire
dans l'identité, comme le rôle de l'état dans la
constitution de ce récit national identitaire, comme
l'instrumentalisation de la mémoire. Comme aussi, les droits de
l'enseignant sur la jeunesse, la laïcité d'un enseignement. Ces
problèmes sont transversaux à des tas de cultures, et l'on peut en
traiter de façon philosophique, abstraite : mais si l'on veut rendre
sensible ces problèmes abstraits, alors il faut en passer par des
personnes singulières et par une situation historique bien particulière.
C'est ça que je trouve passionnant. Parce qu'en partant de ce
particulier-là ça pousse à penser d'autres situations
particulières, qui peuvent être tout à fait différentes,
mais qui vont devoir faire avec les mêmes difficultés, les mêmes
problèmes abstraits .
Je reviens du Japon. Il y a eu aussi, bien sûr, au
Japon, la constitution d'une identité nationale, et les gens continuent
de se raconter quelque chose sur ce qu'ils sont, d'où ils viennent, leurs
ennemis héréditaires etc. On voit bien que partout, il y a, à
dose variable, une prise en charge de ce discours par l'Etat, l'éducation
nationale, et à chaque fois cette situation particulière, les gens
la vivent également de façon très particulière selon
leur famille, leur niveau d'étude etc. Mais à chaque fois, on a ce
jeu, ces échanges, ces transmissions. Et si ce film nous apprend quelque
chose sur Israël en particulier, ça doit aussi nous pousser à
réfléchir comment ça se passe ailleurs, et notamment ici.
Voilà, et c'est ça que j'ai trouvé formidablement
stimulant.
Intervenant dans la salle : Ne doit-on aussi chercher les forces de son identité dans sa famille ?
Emma Shnur : Assurément, mais là-dessus je me sens tenue à une certaine réserve. J'ai essayé de dire en quoi le film d'Eyal Sivan pouvait nous aider à réfléchir sur l'enseignement, l'enseignement de l'histoire en particulier, dans ses liens avec la mémoire nationale, dans la mesure où j'estime que cette réflexion critique relève de ma responsabilité dans l'éducation nationale. Responsabilité qui implique certaines limites. Vous ne pouvez pas tenir, comme formateur de maîtres, un discours politico-pédagogique sur ce que devraient transmettre les familles... Ou alors vous en arrivez très vite à une prise en charge autoritaire des loisirs de jeunesse et de ce que devraient faire les familles à l'intérieur de la maison. Les familles, elles, font ce qu'elles peuvent. En revanche, ce qui se passe à l'école peut et doit faire l'objet d'un débat entre citoyens et enseignants.
Eyal Sivan : En ce qui
concerne cette question de l'identité et le rapport à celle-ci
dans le cadre de la société israélienne, je voudrais
d'abord souligner la jeunesse de cette société, son côté
artificiel et la vitesse avec laquelle elle a dû s'enraciner, c'est-à-dire
constituer de toutes pièces son identité. En observant et en
analysant la constitution identitaire de la société israélienne,
on peut s'imaginer le processus traversé par d'autres nations pendant une
durée plus longue et plus étalée dans l'histoire. Il y a
cinquante ans la société israélienne n'existait pas. Cette
nation est nouvelle, elle est née le 14 mai 1948. Avant cette date, les
Israéliens n'existaient pas.
Les juifs qui habitaient ce territoire - la terre d'Israël
ou la Palestine - étaient des citoyens sous mandat britannique. En 1948, à
peu près au même moment que la déclaration d'indépendance
d'Israël, les Britanniques quittent la Palestine, suite au vote du 29
novembre 1947, aux Nations-Unies, où l'on a décidé le
partage de la Palestine et la création d'un Etat juif. Le mouvement
national juif, c'est-à-dire le mouvement sioniste, déclare la création
de l'Etat d'Israël et c'est aussi la date de naissance du premier Israélien.
C'est David Ben Gourion, le premier chef de l'Etat, qui est le premier israélien.
C'est lui qui a possédé la carte d'identité n°1.
Mais l'étiquette administrative ne suffit pas, le
gros reste à faire : il faut donner un contenu culturel national à
cet intitulé israélien. La langue sera l'hébreu. Or sur le
même territoire, il y a un pourcentage non négligeable de gens qui
sont des Arabes, des Arabes juifs comme on voit dans le film, des nord-africains ;
mais aussi des Arabes musulmans et chrétiens. Ce sont des Arabes
palestiniens, qui sont restés dans une partie de ce qui est devenu l'Etat
israélien. Sur le contenu qu'on a donné à l'identité
israélienne, il y a un livre de Tom Segev qui vient de paraître
chez Calmann-Lévy sous le titre 1949, les Israéliens .
On y voit bien, par exemple, qu'on est allé piocher
dans la tradition juive et on a pris la liste des fêtes du judaïsme.
Des commissions d'Etat se sont donc réunis et se sont dit " Bon,
cette fête-là nous intéresse et cette fête-là
ne nous intéresse pas ". Par exemple, la fête de
Pâques qui existe dans le judaïsme. Dans la tradition juive,
on connaît environ 1.700 ans de tradition de la fête de Pâques.
Or, dans le calendrier israélien laïque, la fête de Pâques
va se transformer et devenir la fête de la liberté
, la sortie de l'esclavage vers la liberté. On est en plein dans la métaphore.
La fête de Pâques qui a lieu au printemps, va aussi être appelée
la fête du printemps . C'est un exemple de processus de laïcisation
du judaïsme par l'État d'Israël.
Une autre fête qui existe dans le judaïsme, c'est
la commémoration du jour où Moïse est descendu du Mont Sinaï
avec les tables de la loi. On appelle ça le jour de la Torah. Et
puisque ça tombe à la fin de la moisson, ça s'est transformé
et c'est devenu la fête de la fin de la moisson, par le même
processus de laïcisation, tout en restant le même jour où la
tradition juive commémore la Torah. Je pourrais passer en revue
toute une série de fêtes. Ce qui a été fait avec le
judaïsme d'un côté, avec les traditions, va être fait également
avec le marxisme. Puisque - on peut le rappeler - c'est un mouvement socialiste
qui a constitué l'Etat d'Israël. Et on va constituer une identité
qui va essayer de répondre à trois problématiques, qui sont
exposées au coeur du film.
On est venus et on a construit sur cinquante ans une identité
qui doit répondre à un terrible décalage d'images. Un des
problèmes les plus cruciaux d'Israël, c'est que c'est un Etat qui se
veut laïc. Il a été et pensé et conçu comme tel
par ses fondateurs. D'ailleurs toutes les écoles qui sont filmées
dans ce film, et tous les personnages - sauf un, le professeur Leibowitz - sont
des laïcs. Le seul religieux qu'il y ait dans ce film, le seul homme de foi
et de croyance, c'est le professeur Leibowitz. Dès son premier jour, la
société israélienne entre dans une série de
contradictions. Et c'est le premier facteur de violence.
D'un côté, c'est un mouvement de libération
nationale, un mouvement d'émancipation, qui va constituer l'Etat d'Israël,
et en même temps c'est un mouvement d'exclusion. C'est le premier
paradoxe.
Le deuxième paradoxe, c'est que le sionisme se voit
comme un mouvement d'émancipation ou de libération nationale et
donc se construit une image idéale. Or dans les faits sur le terrain,
c'est un mouvement colonial.
Et le troisième paradoxe, c'est de prétendre
d'un côté être et représenter des victimes et de
l'autre côté agir en oppresseurs, en bourreaux.
Si on utilise des éléments qui viennent du
judaïsme, de l'histoire des nations occidentales, et de l'histoire du
socialisme ou du marxisme, c'est pour se construire une vision politique de
l'Etat dans lequel le facteur mémoire n'est qu'un des éléments.
En Israël, on peut observer de façon condensée
un processus qui s'est fait en France sur beaucoup plus de temps. Sauf
qu'aujourd'hui, on se trouve là-bas dans une situation de tension
permanente entre les religieux et les politiques. Cette grande question, qui a déjà
été résolue en Occident, ne l'est pas encore en Orient.
En Israël, ce sont les laïcs qui sont les grands
nationalistes. Cela crée parfois une confusion d'image quand on regarde
la société israélienne a partir de la France. Les laïcs
sont les grands nationalistes dans l'Etat d'Israël, et de l'autre côté
il y a les religieux qui essaient de s'insérer à l'intérieur
du politique sans renoncer au religieux. C'est dans cette tension-là que
la violence a surgi, dans cette confusion, dans laquelle ceux qui sont dans le
plus grand désarroi, sont les laïcs et non pas les religieux.
Les religieux juifs en Israël n'ont pas de problème
de contradiction fondamentale, source de violence. La contradiction, pour la résumer
en une phrase, est qu'un mouvement national, dit laïc, prétende "j'ai
un contrat avec Dieu qui atteste que cette terre m'appartient ". Cette
problématique est au coeur de l'identité israélienne. La
question centrale en Israël c'est cette contradiction entre une identité
juive d'un côté et une identité israélienne de
l'autre. Deux identités qui ne peuvent pas cohabiter.
René Vautier :Je pense
qu'il faut établir un rapport entre la discussion et les images, c'est-à-dire
entre les films et les gens qui sont derrière la tribune et qui nous
apprennent des choses effectivement très intéressantes. L'histoire
des images permises et des images interdites permet aussi quelquefois de montrer
à quel point la culture est en train de se fossiliser, dès qu'il y
a une indépendance à défendre.
Quand on a fait les premiers films avec mes étudiants
algériens à l'Institut audiovisuel d'Alger en 62, on s'est
aperçus tout de suite qu'il n'y avait aucune présence de l'Algérien
dans le cinéma français. Et la première parole de l'actuel
directeur de la cinémathèque algérienne, Boujemah Kareche,
a été : "il n'y a jamais un Algérien en
tant tel dans les films français d'avant 1962 ". Même
dans Pépé le Mokko qui est tourné théoriquement
à Alger, le rôle de l'Algérien - un traître évidemment
-, est tenu par un Français. Il n'y a aucune possibilité
d'expression d'une identité algérienne dans le cinéma de l'époque.
Quant au cinéma israélien, un jour, j'étais
à un festival à Vittel et j'ai vu arriver un film que j'ai trouvé
assez passionnant : The House.. Le réalisateur était arrivé
avec le film sous le bras parce que le film qu'il avait tourné pour la télévision
israélienne était interdit en Israël. The House était
l'histoire d'une maison, et l'intérêt, était que le réalisateur
avait essayé de filmer un dialogue et non pas un duel. Les Arabes chassés
par la guerre, revenaient pour essayer de racheter leur maison, mise en vente
par l'état d'Israël, sous conditions. Le film était très
émouvant. Mais délégation officielle israélienne présente
au festival a dit : "si ce film-là passe, nous nous
quittons le festival". Le comité de direction a répondu :
"écoutez, allez-vous-en, parce qu'on ne peut pas
admettre une censure de ce genre". Et la deuxième réaction
a été : "attention, vous êtes la fille
de Trigano, si vous provoquez le clash en passant ce film à l'intérieur
du festival, nous faisons fermer le camp du Club Méditerranée en
Israël".
Je voudrais dire quelque chose sur le plan de l'Algérie.
J'ai été amené à partir, simplement parce qu'en
France on me reprochait d'avoir fait Une nation l'Algérie dans
lequel, en 1955, je disais : "l'Algérie sera indépendante".
C'était un film sur la conquête de l'Algérie en 1830. Je
suis donc parti sur un coup de colère tourner aux côtés des
Algériens. Il se trouve que depuis, je me suis aperçu qu'il était
impossible en France de créer un dialogue. Et quand on parlait tout à
l'heure de violence, en disant qu'elle n'était pas inhérente à
l'Algérie, il y a une chose qui empêche en fait d'aborder ce problème
en dialogue. Le refus n'est jamais venu au départ des Algériens,
mais presque toujours du côté français. Le premier film
qu'on a tourné avec des élèves algériens,
Peuple en marche, devait être agrandi en France au laboratoire
LTC. Il a été détruit par la police française en
1965. Il commençait par "Nous voulons bâtir un
pays libre. Venez nous voir chez nous pour voir nos difficultés et ce que
nous allons faire. ". On nous a proposé ensuite, avec des
excuses, le même métrage de pellicule vierge !
Et depuis, il y a eu un refus constant - malgré une
demande algérienne - de faire des films sur l'histoire vécue en
commun pendant cent trente ans, et qui présenteraient quelque chose qui
puisse être admissible des deux côtés. Et je crois que dans
la violence en Algérie aujourd'hui, il y a aussi une violence qui est
provoquée par une sorte d'absence de réponse. L'impossibilité
de développement et de contacts avec d'autres pays a contribué à
ce qu'à l'intérieur même de l'Algérie, les gens se
sont tournés vers la religion à partir du moment où toutes
les autres possibilités d'équilibrer la vie dans ce pays ont été
refusées par l'extérieur. Le recours à la violence et le
recours à la religion sont deux choses qui procèdent l'une de
l'autre.
Séverine Labat : Oui je
suis tout à fait d'accord avec vous. Je parlais tout à l'heure de
mutilation de la mémoire. Cette mutilation, elle a été opérée
de part et d'autre. L'historien Benjamin Stora a bien montré que des deux
côtés de la Méditerranée il y avait un passé
mal assumé. Mais tout à l'heure, quand je parlais de tradition
historique de violence, c'était pour le réfuter, parce que je ne
crois pas qu'on puisse dire qu'un pays est voué historiquement,
structurellement, à la violence. Les racines de la violence ne sont
qu'historiques.
Il y a aussi des phénomènes sociaux qui sont
directement à l'origine des phénomènes de violence auxquels
on assiste et l'aspect autoritaire de la construction de la culture nationale
n'est qu'un facteur parmi d'autres qui vient se surajouter. C'est-à-dire
qu'il permet, comme vous disiez tout à l'heure, une réactivation
paradoxale de la mémoire au sens où je disais tout à
l'heure : l'état accuse souvent les groupes islamistes armés de n'être
formés que de harkis. Et les islamistes traitent très souvent
l'Etat de colon... Donc on voit qu'on est dans un type de discours qui montre
que la question nationale en Algérie n'a pas été encore réglée.
Pour de multiples raisons, en raison de l'histoire coloniale de l'Algérie,
d'une histoire qui a été fortement manipulée...
Et c'est là où je pense que la comparaison
avec Israël est valable. Dans les deux cas, le processus de construction
d'une culture nationale a dû se faire extrêmement rapidement. Je ne
dis pas que c'est parti ex-nihilo. Mais en gros, si on lit les livres d'histoire
en Algérie, l'histoire commence en 54... Et il y a une complète négation
de ce qui a pu se produire avant. Négation du passé colonial qui a
de ce fait laissé de côté une partie de la culture nationale
algérienne. On ne peut pas rayer cent trente ans de présence française
comme ça.
Cette culture nationale algérienne, elle est aussi le
produit de la présence juive en Algérie, elle est le produit de la
culture berbère, elle est le produit aussi de l'Islam, elle est aussi le
produit de la langue arabe. Mais l'autoritarisme et le volontarisme de la
construction nationale ont fait qu'une grande partie a été occultée.
Eyal Sivan : Je voudrais
réagir sur la question de la censure, sur les interventions des autorités
israéliennes pour interdire des films. Vous avez parlé des images
permises et des images interdites. Pour prendre un exemple facile,Izkor, les
esclaves de la mémoire est un film interdit en Israël. C'est un
film qui a été fait, non pas grâce, mais malgré la démocratie
israélienne. Mais ça ne témoigne en rien de son existence réelle,
puisque ce film existe dans la société israélienne, circule
dans les écoles, ou ailleurs, en permanence... Et pourtant,
officiellement, il est interdit. Il est interdit de projection, de télévision,
de sortie en salle et de tout ce qui est officiel, ou à peu près.
Vous parlez de l'image de l'Algérien absent. A la
limite, je dirais ce n'est pas un problème, l'existence ou la
non-existence de l'image. Je dirais que le risque, c'est qu'on peut facilement
basculer dans ce que qu'on essaie d'enseigner aux enfants dans Izkor,
c'est-à-dire : "je ne suis plus ce que suis, je suis ce que les
autres m'ont fait, ou encore, je suis ce que les autres sont en train de me
faire". C'est-à-dire que je ne me défini pas par
mon action elle-même. Et c'est pour ça que je veux faire un rappel
quand vous parlez de l'image. L'Algérien existe - ne serait-ce que par défaut
- dans tout le cinéma français des années cinquante, par sa
non-existence. C'est là qu'il existe. A la limite, la non-existence de
cette image, selon moi, est complètement cohérente avec ma
perception de ce qu'est l'image. Et c'est ce qui m'intéresse dans une
rencontre comme ces journées qui sont organisées ici. Cette
manifestation Citoyen Spectateur le rappelle, je crois, d'une façon
assez systématique :l'image est le témoignage d'un acte
de censure majeure. C'est-à-dire que pour faire une image, il faut
prendre quatre caches et cadrer quelque chose. Voilà... Ça,
c'est l'image. Si on ne met pas quatre caches sur une partie de la réalité,
on n'a pas de cadre et si il n'y a pas de cadre, il n'y a pas d'image. Donc, à
partir de ce constat, le travail à faire, en tant que spectateur, c'est
de se rappeler que ce qu'on voit sur l'écran, c'est ce qu'on voulait nous
montrer sur l'écran, pour un certain nombre de raisons. C'est un travail
actif que de voir comment bouger le cadre et dévoiler une autre partie de
cette réalité cachée. Venir, constater et dire : "Mais
on ne nous montre pas ça !", c'est une évidence. Il
y a énormément de choses qu'on ne nous montre pas, et je crois que
c'est l'essence même de l'image. Quand on dit cadre, on dit censure.
Vincent Glenn : Je voudrais essayer de recadrer un peu parce qu'effectivement, il s'est dit beaucoup de choses intéressantes . Par quels mécanismes la défense ou l'affirmation des identités peuvent conduire à la violence ? Emma Schnur, vous aviez commencé à développer des idées à partir de cette question. Est-ce que vous avez des éléments de réponse par rapport à cette question ? Et notamment, concernant cette notion de mémoire qui est un peu au cooeur de la discussion depuis tout à l'heure et surtout à l'intérieur du film ?
Emma Shnur : La question oriente trop la réponse. Il y aurait ainsi une mauvaise affirmation de l'identité, une conception exclusive de la mémoire qui conduirait à la violence ? Nous avons grandi dans cette critique du chauvinisme. Mais il y a un cercle : c'est aussi la violence qui pousse à une certaine façon de gérer l'identité. Je vais dire quelque chose qui va peut-être un peu choquer mon voisin... Si on se met dans une perspective de constructeur sioniste, le type d'éducation qu'on voit dans le film est le moyen le plus efficace, voire le seul, pour mobiliser une nation en armes. Ils n'ont pas le choix, ils sont en guerre, donc il faut prendre les gamins tout petits de telle façon qu'à 18 ans, ils puissent partir risquer leur vie. Alors, bien sûr, vu de France, surtout par des gens de notre génération, c'est très choquant, et que ce soit clair : je déteste cette façon de faire, qui heurte mon éthique d'éducatrice, ma conception laïque du métier d'enseignant. En plus, comme toute une partie de ma famille est morte dans les camps d'extermination, je déteste cette façon de capter et de canaliser une mémoire collective pour justifier une politique inacceptable. Mais, avant de donner des leçons, disons-nous aussi que notre réaction tient aussi beaucoup à notre situation française actuelle, marquée par la paix de longue durée et la sécurité ; il ne nous est pas difficile de critiquer les modes d'éducation qui fabriquent de la chair à canon, et c'est une critique profondément inscrite dans nos traditions. Mais lorsqu'un pays est, ou se perçoit (à tort ou à raison), comme menacé dans son existence, il n'est pas étonnant qu'il mette en place des systèmes d'enrôlement de la jeunesse dans des engagements patriotiques : en ce sens, l'éducation c'est la continuation de la guerre par d'autres moyens... Ce n'est pas, en l'occurrence, l'affirmation de l'identité qui conduit à la violence, mais la violence d'une situation qui conduit à traiter l'identité de façon orientée vers la défense de la nation, à mettre la mémoire au service d'une dette envers des martyrs, en vue d'un sacrifice à la nation qui répare la shoah. Certes, c'est un processus circulaire, car à un moment, c'est aussi cette forme d'identité et d'éducation qui crée de la violence et les conditions de perpétuation de la violence. S'agissant d'Israël, on ne peut pas tenir un seul des aspects.
René Vautier : Si on suit cette logique, on doit se demander comment les autres peuvent ne pas être terroristes... Ils n'ont pas d'autres moyens de se battre qu'avec des pierres. Ils arrivent quand même à obtenir quelque chose de leur combat, et ensuite, il y a un changement de gouvernement israélien qui dit : tout ce qu'on a dit hier on ne le fera pas, alors maintenant qu'est ce qui leur reste ?
Eyal Sivan : J'ai le
sentiment que nous sommes tous d'accord ici pour dénoncer la violence
terrible exercée sur les Palestiniens par l'Etat d'Israël. Et je
fais là une petite parenthèse pour préciser que le film a
commencé à se réaliser avec l'Intifada, avec le soulèvement
des Palestiniens dans les territoires occupés. Les soldats qui, à
ce moment-là, participaient à la répression dans les
territoires occupés, c'étaient mes amis d'école, ma génération.
Chaque génération en Israël a eu sa guerre. Il y a ceux de
48, ceux de 67, de la Guerre des six jours, ceux de 73. Et nous, ceux de 87. En
fait, on a eu deux guerres : la Guerre du Liban en 82 et l'Intifada, où
les combats ont été les moins glorieux pour les Israéliens.
J'ai commencé à faire ce film en me demandant comment il était
possible que mes copains dits " de gauche" participent à
une telle répression dans les territoires occupés.
Si on essaie d'en compendre les racines, on voit bien que l'édification
d'une conscience nationale israélienne s'est fondée sur une
martyrologie. C'est-à-dire une double programmation des citoyens, à
la fois dans l'idée qu'il faut se défendre, mais également
dans le martyr. Todorov parle des abus de mémoire et ça,
c'est un début de réponse à la question sur les mécanismes
qui génèrent la violence. Ce n'est pas la mémoire tout
court qui, bien sûr, sert de ciment à toute construction nationale.
Non, ici il s'agit d'abus de mémoire qui peut aller jusqu'à
exercer la violence sur soi-même. Et même perdre une guerre ne
serait, finalement, pas si grave parce que ça cautionnera l'image qu'on a
de soi-même, c'est-à-dire l'image de celui qui souffre parce que
les autres veulent qu'il souffre. Et c'est là aujourd'hui le grand problème,
c'est dans cette attitude suicidaire. Ce n'est pas par hasard qu'un des symboles
fondamentaux, un des piliers de la société israélienne
s'appelle Massada. Et là, il ne s'agit pas du tout de mémoire
puisqu'il s'agit d'un mythe. Masada c'est quoi ? C'est l'histoire de
gens qui ont résisté lors de la révolte de Judée
contre Rome, résisté jusqu'à se suicider pour ne pas
devenir les esclaves des autres. C'était donc un héroïsme de
gens ultra-libres, des gens qui ont opté pour la liberté jusqu'au
suicide. Sur le plan de la mythologie historique et symbolique, c'est
magnifique. Mais on peut se poser la question, si cela avait été
l'action de tous les Juifs, cette action du suicide, où en serait
aujourd'hui le judaïsme ?
J'oppose cette attitude suicidaire à ce que
Vidal-Naquet a nommé le bon usage de la trahison. La trahison,
c'est intégrer qu'à un moment donné, refuser un certain
patriotisme peut devenir le vrai patriotisme. Pour moi, la question n'est pas :
est-ce que l'Etat d'Israël est un état militaire ou pas ?
Jusqu'où peut aller une conception de la défense qui se révèle
en réalité une conception de destruction et d'autodestruction ?
Intervenant dans la salle :Je voudrais poser une question à Emma Shnur. Vous parliez de conditionnement obligatoire tout à l'heure, que l'Etat d'Israël n'a pas le choix, et je n'arrive vraiment pas à saisir ce que vous voulez dire. Je ne suis pas du tout d'accord avec le conditionnement obligatoire. On peut cultiver sa propre identité sans vraiment être sectaire. Ce n'est pas pour cela qu'on ne peut pas être ouvert.
Emma Shnur : J'essaie seulement, lorsque je suis amenée à dire quelque chose sur le Moyen Orient, et c'est plutôt un sujet que j'évite, de ne pas faire comme si l'on pouvait donner des bons points aux gentils et des mauvais points aux méchants, en restant tranquillement en France. Je trouve cette histoire tragique et je n'ai pas de conseils à donner ni aux uns ni aux autres. Un pays qui est en complète sécurité peut se donner des moyens d'éducation plus démocratiques et plus libéraux. Mais dès que vous voyez un pays qui est menacé et en guerre, il y a un moyen très efficace de mobiliser des gens, jusqu'au dernier, jusqu'au sacrifice, et d'obtenir que les gens partent à 17 ans la fleur au fusil : dès deux ans vous commencez à les conditionner. Ce n'est pas pour dire que moi j'apprécie le conditionnement obligatoire. C'est pour dire que cyniquement je trouve que c'est un moyen, très efficace, de politique militaire. Je n'ai pas envie de recommencer le procès d'Israël parce que je trouve que c'est compliqué et qu'il faudrait dans ce cas-là recourir à des d'arguments historiques qu'on ne peut pas développer ici...
Eyal Sivan : Juste une conclusion, en réaction à la dernière phrase d'Emma Schnur sur le procès d'Israël. Je ne suis pas un défenseur d'Israël, mais je crois que c'est un procès stérile. Dire qu'Israël est un état colonial, ce n'est pas vraiment une découverte, et ça ne fait pas avancer grand-chose. C'est comme de poser la question de la légitimité d'Israël, ou de savoir s'il y avait le choix ou pas. Il me semble plus important de se poser la question en termes d'intégration. L'intégration d'un groupe de gens qui se sont donnés une identité nationale, même guerrière voire fascisante, à l'intérieur d'une région donnée qui est le Proche-Orient, et qui n'a pas vraiment à être fier de ce qu'il est aujourd'hui. Dire de l'Etat d'Israël aujourd'hui qu'il est un intrus colonial - ce que je crois personnellement - n'a pas de sens si on ne remarque pas qu'il est à l'image du désarroi total de toute la région qui l'entoure. Le régime fascisant israélien n'est pas fondamentalement différent du régime fascisant algérien, jordanien ou irakien. On peut donc dire que, malheureusement, l'intégration de l'Etat d'Israël au sein de la région s'est faite à l'image de cette région. Et c'est de ça qu'on veut chercher à s'arracher. C'est-à-dire l'arrachement d'une certaine conception de l'autre, car aujourd'hui on peut dire qu'Israël est intégré pleinement dans cet Orient tel qu'il est, et c'est ça qui est terrible.