(5/1/2000)
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Place des Images

un cycle de

rencontres/conférences/projections

de films/expositions/spectacles vivants



proposé par
Vincent Glenn, Alain Montesse & Eyal Sivan


Montreuil
2000-2001




Sommaire


 
place des Images

Du flot torrentiel déversé par les télévisions-câbles-satellites aux affiches publicitaires qui ceinturent villes et campagnes, de la récompence pour lécolier d'hier (une image pour l'élève « sage comme une image ») aux « vidéogames » qu'on s'échange dans les cours de récréation ; des vitraux des cathédrales aux expositions d'art (peintures, installations vidéo...), des oeuvres visibles au musée aux photos de famille dans la chambre à coucher, on voit désormais - tout au moins sous nos latitudes occidentales - des images partout !

Au point qu'on en oublierait presque que le caractère extrêmement récent du phénomène, et que les hommes ont fort longtemps partagé des cadres de vie où les images étaient rarissimes...

Si elles se sont désormais immiscées dans nos vies au point qu'on n'ait parfois plus de véritable moyen de leur échapper, si elles fonctionnent le plus souvent sur le registre de la fascination avant d'être des outils de pensée, cette profusion même nous pose aujourd'hui de multiples questions. Quels changements - techniques, philosophiques, mythologiques, politiques... - sont-ils révélés par le passage entre cette rareté des lieux où l'on pouvait contempler, hier ou presque, icônes, fresques et peintures, et les effets de saturation, de déréalisation, liés à la surabondance de représentations apportées par la vidéosphère et les moyens de communication d'aujourd'hui ? Signe caractéristique de notre entrée dans ce que les médiologues nomment l'ère du visuel ? Moment paroxysmique d'une civilisation produisant massivement les clichés de son propre narcissisme, non encore assumé/dépassé ?

Si, dès sa première édition, CITOYEN SPECTATEUR a été pour nous une façon de mettre l'accent sur la place - importante - des représentations filmées dans nos vies réelles, c'était pour interpeler nos contemporains et prendre recul par rapport à une forme de citoyenneté moderne qui nous apparaissait sous le double signe de la surinformation et du sentiment d'impuissance.

Mais passée cette prise de conscience, faudra-t-il encore et toujours, souligner que nous ne sommes plus que des citoyens spectateurs ? Se moquer de la fameuse Méduse en étant bientôt nous-mêmes tout à fait médusés ?

Les images qui transitent jours et nuits sur les écrans ont certes de quoi nous laisser tétanisés, hébétés, par le redoutable consumérisme ambiant, ou par l'étendue des gaspillages, des corruptions, des horreurs guerrières, ou encore par l'indigence des analyses qui les accompagnent le plus souvent.

Mais on voit bien aussi - plutôt hors télévision - que le mouvement social, comme les combats permanents contre le pouvoir arbitraire et les injustices, ou comme les résistances à l'uniformisation agri-culturelle, attendent de nouveaux relais, en actes, comme en médiatisation. Quantité d'individus et groupes, fort heureusement, continuent un peu partout sur la planète, à penser l'intérêt collectif, à s'organiser et à agir.

Ce que nous souhaitons pérenniser, ce nest donc pas, bien sûr, l'idée que nous sommes nécessairement spectateur de notre destin et de notre citoyenneté, mais la conviction que par l'invention d'autres manières de regarder ensemble, nous pouvons très concrêtement travailler nos manières d'être ensemble, et devenir les acteurs de notre espace commun.


 
Des citoyens spectateurs aux improvis'acteurs, note sur une évolution en cours...


Avec place des Images, troisième épisode des rencontres citoyen spectateur, nous poursuivons une série d'objectifs revendiqués dès l'origine, entre autres :

Comme les deux précédentes éditions, le titre a été choisi pour sa capacité à ouvrir une réflexion pluridisciplinaire autour d'une question centrale : derrière l'expression « place des images » ce que nous nous proposons de retracer, ce sont les grandes étapes d'une histoire des images, en partant d'aussi loin qu'on puisse dater leur émergence, et en remontant jusqu'à nos jours. Une réflexion sur la place que les images occupent désormais dans nos vies, indissociable d'une histoire du regard.

Mais si les pages qui suivent commencent par un retour sur les deux précédents épisodes, exprimons dès maintenant notre volonté de poursuivre cette manifestation en la faisant sensiblement évoluer : dans la forme, dans le ton, dans notre façon d'aller vers le public, l'évolution en question concerne tant le thème choisi que notre désir partagé de ne pas produire une énième rencontres de cinéphiles avertis pour cinéphiles avertis.

En proposant, au delà de l'enceinte du cinéma, une complémentarité avec un cycle de représentations sous forme, ici, de spectacles vivants, là, d'expositions ou d'installations, disons, pour résumer la tendance, que nous ne serons pas fâchés si la tonalité générale se révèle au moins aussi festive qu'informative !


 
Deux épisodes de citoyen spectateur plus tard...

quel bilan, et quelles perspectives ?



1) Images et politique : retour sur la genèse des rencontres

Si l'on remonte aux commencements des rencontres citoyen spectateur, on trouve d'abord le besoin de s'émanciper d'un certain nombre de clichés qui jalonnent - et encombrent - la vie politique  : du "tous pourris" à la "fin des idéologies", il nous paraissait urgent d'interroger les mots se rapportant à la politique en s'attachant autant aux faits qu'aux idées. Ainsi "Banque Mondiale", "gain de productivité", "crise économique", "démocratie participative", ou « identité » nous semblaient inviter à un travail collectif de redéfinition, à des discussions envisagées dès l'origine comme échanges de connaissances.

Le deuxième fondement ou point de départ, c'était précisément notre rapport aux « images ». Car si nous vivons dans une société où les images sont omniprésentes, il nous apparaissait qu'elles étaient devenues, dans leur écrasante majorité, bien plus source d'asservissement que d'avertissement  : à voir un peu de tout, le citoyen qui consacre plusieurs heures de sa journée à la télévision, (192 minutes par jour, moyenne nationale en 1998) laisse se noyer les informations de première importance dans le bain des faits-divers, fatigue sa capacité de faire cet acte du regard et de l'écoute cher au cinéphile.

A partir de ces constats se sont soulevées de fort diverses interrogations  : que peut bien signifier faire de la politique à l'orée de ce IIIe millénaire, à l'heure où quantité d'idéologues et parmi les plus médiatisés, ont décrété... la « fin des idéologies », au terme d'un XXe siècle qui s'est s'acharné à prouver que l'horreur est humaine ? Par quel bout prendre le problème de l'engagement, dès lors que nous sommes devenus le siège d'un flux d'informations dépassant de toutes parts nos capacités de mobilisation et de révolte ?

Est-il d'ailleurs exagéré de dire que la surabondance d'images a comme effet ce qu'on appelait jadis la censure ? En quels lieux et places, enfin, investir nos énergies dès lors que nous ne cessons d'intégrer des "images" des points les plus éloignés de la planète, tout en admettant progressivement que nous n'avons à peu près aucun pouvoir d'infléchir le cours des réalités politiques et économiques ?


faire lien

Mêlant interrogations liées au regard et questions d'ordre politique, nous avons donc proposé ces rencontres comme un début, balbutiant, de réponse : tisser, faire lien, rendre possible, à la petite échelle de notre propre ville, l'échange de points de vue, de connaissances, l'association d'individus dans la perspective de projets et actions. Penser à d'autres façons possibles de médiatiser les événements, de rendre publiques les informations. Mettre l'accent sur le local, la transformation sociale prise au plus près de nos lieux de vie, tout en comprenant mieux les enjeux internationaux.

Les interventions de divers acteurs de la société civile nous y aidèrent : rompant aussi clairement que possible avec un anti-intellectualisme poujadiste en vogue, nous n'en avons pas moins invité les uns et les autres à « vulgariser » suffisamment leur savoir pour qu'en puisse bénéficier les non spécialistes.


«  fatalité », suite et fin

En faisant se croiser les regards et analyses de différents acteurs de la vie intellectuelle, artistique, politique, associative, syndicale, journalistique (voir ci-jointe la liste des intervenants des deux précédentes éditions), nous avons à ce jour gagné une partie du pari  : nous nous sommes un peu libérés de ce douteux sentiment que « tout a été essayé », de ce « on n'y peut rien » ouvrant grand la porte aux attitudes les plus rétrogrades ou régressives ; "vide" idéologique et surinformation nous sont apparus comme les deux faces d'une même aliénation, d'un même aveuglement soigneusement entretenu par tous ceux qui ont économiquement intérêt à ce que les citoyens ne se mêlent pas trop de ce qui les regarde - et de ce qu'ils regardent !

Si l'économie "guide" effectivement le politique, si le pouvoir des banques l'emporte - au plan international - sur celui des élus, c'est aussi parce que nous restons massivement médusés devant la puissance publicitaire qui raconte cet état de fait comme s'il s'agissait d'une loi physique indiscutable...

Mais lorsqu'on dit, dans un langage un peu technocratique, qu'il y a « prééminence de l'économique sur le politique », il faut sans doute revenir à certaines réalités plus concrêtement perceptibles : l'économique « guide » le politique, cela veut dire par exemple que oui, il y a de l'argent pour construire des zones industrielles à perte de vue, et continuer d'enlaidir à grande vitesse le paysage de la périphérie des villes, oui, il y a de l'argent pour créer des hectares entiers de bureaux vides... mais non, il n'y a pas d'argent pour construire de nouvelle crêches, écoles maternelles, jardins publics, non, il n'y a pas d'argent pour la création de nouveaux postes dans l'éducation et diminuer le nombre d'élèves par classe au collège ou au lycée ; non, il n'y pas plus d'argent pour permettre au PNUD (Programme des nations unies pour le développement) de concrêtiser ses projets, quand bien même ils concernent les 1 milliard trois cent millions d'individus, qui sur la planète, sont victimes de tous les ab»mes, malnutrition, pandémies, guerres, directement liés à l'extrême pauvreté. Mais si le pouvoir économique continue avec une formidable arrogance à dicter « ce qu'il faut faire » au politique, nous sommes désormais quelques uns sur cette même planète, au Nord comme au Sud à penser qu'il n'en sera peut-être pas toujours ainsi. Et que les effets de démocratisation de l'accès à la culture, aujourd'hui ensevelis sous le n'importe quoi fascinatoire du petit écran, risque un jour ou l'autre de se faire entendre plus bruyamment dans la rue. Et que l'idée de « faire du politique », nous permettra alors de remettre l'économie à sa juste place, le service des hommes.



2) Collectifs et espaces publics : retour sur les thèmes des deux premiers épisodes


solitaires-solidaires (1998)

Pour la première édition des rencontres, l'association des termes solitaires-solidaires nous entra»nait sur un sujet o combien vaste et brûlant  : l'adhésion des individus, plus ou moins volontaire, plus ou moins subie, à différents groupes identitaires et sociaux.

L'occasion de s'interroger, précisément sur la notion de collectif, et sur les diverses formes qu'il peut revêtir  : comment, au nom de quoi, répondant à quelles nécessités, continue-t-il de se produire, au delà des individus, des regroupements politiques, culturels et/ou religieux, découpant le monde en civilisations, nations, régions, tribus, clans...?

Dans une société occidentale mainte fois décrite en voie d'atomisation, d'individualisation, dans un monde où l'internationalisme - rebaptisé globalisation - cède de plus en plus couramment le pas à divers modes de tribalismes, on parle de "crispations identitaires" pour désigner des déviances violentes qui, comme par hasard apparaissent presque toujours sur fond de misère sociale et culturelle.

Mais nous avons vu, aussi, que de nouvelles manières d'être et d'agir collectivement ne demandent qu'à s'exprimer, si l'on en juge notamment, par l'ampleur nouvelle de la mobilisation contre les logiques productivistes et néolibérales  : si les Marches européennes contre les exclusions, se réclamaient dès 1997 d'une « mondialisation du mouvement social », la rapidité avec laquelle le réseau de l'association ATTAC s'est constitué et étendu, confirme la tendance.

Comme l'expliquait l'économiste Philippe Labarde lors du premier jour de nos rencontres, en mars 1998, à Montreuil, nous savons désormais que le capitalisme, pour être redoutablement efficace sur le terrain de la production, est totalement aveugle sur le terrain du partage. Et nous savons également que laisser le sort de l'humanité entre les mains du marché revient à accepter un état de la planète où le sous-développement cohabite avec la surproduction.


public-cité-publicité (1999 )

En mars 1999, sur une période de 6 jours, le titre public-cité-publicité a ouvert de nouvelles pistes de réflexions : passant par des champs aussi différents que la sécurité sociale, l'éducation nationale et l'urbanisme, nous nous sommes penchés sur des conceptions telles que l'utilité publique, l'espace public ou le service public, en considérant certaines spécificités françaises, comparativement aux autres parties de l'Europe et du monde. L'occasion de considérer, à l'heure où ceux qui s'opposent idéologiquement aux privatisations se sont faits rares, ce qui continue, peut-être, derrière l'adjectif « public » d'appartenir à tous, c'est-à-dire à personne.

Va-t-on inéluctablement vers un monde où la moindre parcelle de forêt, la moindre rivière, le moindre trottoir appartiendra à tel ou tel propriétaire, à tel ou tel groupe industriel ? La question semblait à peine discutable...

Pour autant, tout au long de nos journées de rencontres, l'association des termes public et publicité, a confirmé que de très profondes questions demeurent à peu près totalement écartées des mass-médias. En France, le pouvoir des annonceurs et des régies publicitaires au sein du service public de télévision, en est un des exemples éloquents. On entend par là qu'il est quasi-indiscuté... alors même qu'il est plus que jamais contestable !

Plus largement, ces rencontres ont bien montré l'intérêt de revenir sur le sens de quelques mots clefs, aussi diversement interprétables que sources d'incommunication et de brouillage idéologique. Ainsi Thierry Pacquot, rédacteur en chef de la revue Urbanisme, nous a rappelé une définition de l'espace public : la publicité de l'opinion. Il rappelait également que dans la cité grecque, l'agora n'était rien d'autre que l'espace formé par ceux qui participent au débat. Par un effet de miroir, il nous invitait à nous demander dans quelle mesure cette tradition de participation à la vie publique reste vivante, et en quels lieux, désormais se discutent - ou se discuteront - les affaires de la cité.

En terme de bilan, comme de perspective, reste cette conviction : nous vivons un moment historique où de nouvelles solidarités demandent à pouvoir s'exprimer, se penser, s'organiser. Y contribuer c'est, entre autres, développer la possibilité pour des citoyens de se regrouper, d'échanger voirs et savoirs. C'est interroger notre rapport à ces images omniprésentes, porteuses de mythes, parfois directement aliénantes mais parfois aussi productrices de connaissance... ou déclencheuses de débats !



3) Regards et décryptages : vers la place des Images


place des Imagesse propose de poursuivre nos interrogations sur le regard, en étudiant quelques moments clefs de l'histoire de nos rapports avec les images : revenir sur les premiers dessins sur ossements, 30 000 ans avant JC, ou sur l'étymologie du vocabulaire pictural - tels figura, qui signifiait fantôme, simulacrum, le spectre, ou imago, le moulage de cire du visage des morts - c'est aussi, par rebond, nous interroger sur nos modes actuels de diffusion des arts et des savoirs.

Mais c'est peut-être, d'abord, revenir à ce constat assez élémentaire que le regard est un principe actif, et que contrairement au mouvement d'arrivée de la lumière sur la rétine, il part de chacun. Dans son rapport avec les oeuvres d'art - peintures, sculptures, photos, images animées, spectacles vivants - le regard cherche, s'insinue, s'imprègne de la mémoire et de l'imaginaire de celui qui regarde l'oeuvre, comme de celui qui la crée. Ceci pour rappeler que si les individus sont de plus en plus souvent considérés comme des consommateurs, cibles en attente de ce qu'on leur en mette plein la vue, ils sont accessoirement le siège d'une histoire, d'un vécu, d'un pouvoir de sélection...

Plus largement, dans nos sociétés hautement médiatisées, nous avons dit combien il nous para»t essentiel de considérer toute une série de questions liées au regard. Ainsi, lorsque certaines populations se disent stigmatisées, littéralement marquées, ou piquées, par le regard des autres, n'est-ce pas que leurs difficultés matérielles s'augmentent de leur conscience d'être perçues comme des groupes de deuxième ou de troisième classe ? On perçoit ainsi de plus en plus nettement que la reconnaissance même des individus passe de plus en plus fréquemment par le fait qu'ils sont ou non médiatisés, avec comme en sous-titre  : je suis médiatisé donc je suis.

Au delà des phénomènes de para»tre et de narcissisme, plus ou moins assumés ou exprimés par chaque individu, le problème de la reconnaissance nous semble au coeur de toute interrogation sur le corps social. Quel autre message faut-il entendre dans les actes des jeunes casseurs ou incendieurs de voitures, et derrière l'expression brute d'un mal vivre, sinon la manifestation du besoin primordial d'être reconnu, à tout prix ? Un peu comme si une reconnaissance négative valait toujours mieux que pas de reconnaissance du tout...


 
place des Images : pré-programme pour 2000/2001


Dans la lignée de Citoyen Spectateur, nous proposons avec Place des Images pour l'année 99/2000, une série de 4 rendez-vous : des projections d'images (photos-vidéo-films) suivies de conférences-débats (en utilisant différents modes d'analyses : mythologie, sémiologie, histoire, sociologie, médiologie...) articuleront différentes interrogations sur l'histoire de la place des images dans les sociétés occidentales, sans s'interdire, bien sûr, d'établir des parallèles avec d'autres civilisations.

Partant de l'actualité immédiate avec le premier numéro, nous ferons avec les numéros suivants une série de sauts dans l'histoire, chacun d'eux pouvant donner l'occasion d'un ou plusieurs rendez-vous.




1. publicité et service public de télévision (février 2000)

Dans la foulée de l'édition 1999 de Citoyen Spectateur, une centaine d'intellectuels, cinéastes, journalistes, professeurs, ont fait parvenir une lettre ouverte au gouvernement et aux parlementaires, à l'occasion de la présentation par Madame Trautmann de son projet de loi sur l'audiovisuel devant le parlement. Cette lettre pointait le cercle vicieux que recouvre l'audimat et proposait, en reprenant les conclusions d'un groupe de travail réuni autour de Pierre Bourdieu dès 1989, de remettre en cause le pouvoir des publicitaires sur la télévision publique, en finançant celle-ci par une taxe sur l'ensemble du marché de la publicité. Engagée dans la course à l'audience, la télévision publique a progressivement renoncé à ses missions spécifiques pour s'aligner sur les pratiques des cha»nes commerciales. Or si la télévision publique doit demeurer légitime, il est urgent de dire en quoi elle se distingue réellement de ses « concurrentes » privées.

Si nous nous proposons dans un premier temps de réunir, en partenariat avec l'ACRIMED (Action critique Médias), les signataires de cet appel, c'est en vue, par la suite, de susciter un véritable débat public sur les moyens et les contenus du service public de télévision. Parce que cette télévision, financée par les citoyens, mérite moins la sanction du couple annonceur publicitaire-zappeur, qu'une véritable concertation nationale.




2. Les situationnistes ou leur absence : de la Querelle des Images au cyberespace, l'iconoclasme à travers les âges. (mi-mai 2000)

Tout le monde ou presque a entendu parlé des « situs », ce mouvement, qui dès le début des années cinquante, a théorisé et violemment remis en cause la fameuse « société du spectacle ». On s'étonne pour autant que leurs analyses aient été si peu entendues par nos contemporains, et si souvent affadies par les commentateurs. Cela nous suggère la nécessité de revenir sur leurs grilles de lecture, et de nous arrêter sur les origines et actualités du concept même de société du spectacle .

En remontant dans le temps, tout d'abord. Si l'on a si souvent entendu parler de « querelles byzantines », on a moins entendu parler de la « Querelle des images », connue aussi sous le nom de « crise iconoclaste » (1). En fait de querelle, ce fut une véritable guerre civile qui secoua Byzance du début du huitième siècle jusque vers le milieu du neuvième. Pendant près d'un siècle et demi, on combattit énergiquement, pour ou contre l'adoration des images. Si les Iconoclastes (littéralement  : les « briseurs d'images ») détruisaient effectivement les icônes, ils furent finalement battus. A partir de ce moment, que devient « l'économie » dans ce contexte ? La réalisation du plan divin par la gestion des images  ! Et l'église chrétienne prouva sa maestria en ce domaine au cours des siècles... Enlevons le « plan divin », que reste-t-il ? Les images en folie... c'est-à-dire le spectacle.
Peut-on dire, dès lors que les situationnistes s'inscrivent dans la tradition iconoclaste, remontant loin dans la civilisation et les religions occidentales ?
Dans cette perspective, la crise iconoclaste n'est pas un épisode singulier de l'histoire des images, isolé et incompréhensible, mais la manifestation d'une tendance toujours présente de nos jours.

En descendant vers le futur proche, ensuite. Tout le monde a maintenant entendu parler de l'internet. L'inventeur du terme "cyberespace", William Gibson, le définit dès 1984 dans le roman de science-fiction Neuromancien comme "une hallucination consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par des dizaines de millions d'opérateurs, dans tous les pays... Une représentation graphique de données extraites des mémoires de tous les ordinateurs du système humain". Le film récent Matrix découle directement de l'univers de Neuromancien - "la matrice" y étant d'ailleurs déjà synonyme du "cyberspace". Mais l'internet va-t-il fatalement se développer en cyberespace mondial (il en est tout de même encore loin) ? Le cyberespace est-il le rêve d'une forme de spectacle total encore plus développée ? Par certains côtés, oui, par d'autres non. C'est en tout cas à coup s_r un terrain d'affrontement. "C'est tout le travail vendu d'une société qui devient globalement la marchandise totale dont le cycle doit se poursuivre" (thèse 42 de la Société du Spectacle). Allons-nous vers un monde d'illusions assistées par ordinateurs? Les hackers, les "pirates" sont-ils une variété particulière d'iconoclastes contemporains ? "Réciproquement, l'activité rêvée de l'idéalisme s'accomplit également dans le spectacle, par la médiation technique de signes et de signaux - qui finalement matérialisent un idéal abstrait" (thèse 216). Là aussi, il y a, pour le moins, matière à réflexions..

Cette réflexion, pour rester fidèles à notre méthode, doit s'appuyer sur des films - ou sur leur absence. Ceux de Guy Debord seraient incontournables, s'ils étaient disponibles (et qu'ils ne le soient pas n'est nullement un hasard). A ma connaissance, il n'existe aucun film à proprement parler iconoclaste. Certains situationnistes ont réalisé des films (René Vienet : La dialectique peut-elle casser des briques?, etc), certains pro-situs aussi (Alain Montesse : USS (Unsanity's Speculum), LSH (Les Situs Heureux).
Le cinéma a toujours su parler de lui-même par ses propres moyens, et donc, il existe quantité de films critiquant tel ou tel aspect particulier du spectacle : L'Homme à la Caméra (Vertov), The cameraman (Keaton), Vérités et mensonges (Orson Welles), Hellzapoppin (Ole & Johnson, Potter), Prêt à porter et The Player (Altman), Histoire(s) du cinéma (Godard), C'est arrivé près de chez vous...
Et depuis quelques années, on commence à voir des films traitant du cyberespace : TRON, Johnny Mnemonic, The ghost in the machine, le Level Five de Chris Marker (précédé de Sans Soleil et suivi du CD-Rom Immemory), eXistenZ, Matrix...

Intervenants envisagés :
Brigitte Cornand, réalisatrice et critique d'art. A notamment réalisé un numéro de L'Oeil du cyclone sur le mouvement situationniste, qui à l'époque non seulement n'avait pas été désavoué par Guy Debord lui-même, mais l'avait même amené à coréaliser avec elle son dernier film...
Francis Marmande (Le Monde)
Marie-José Mondzain (philosophe)
Arnaud Viviant (Inrockuptibles)




(1) Iconoclastes  : n.m.pl. Chrétiens byzantins (VIIe-IXe s) opposés à toute représentation figurée, jugée idolâtrique, du Christ, de la Vierge, des saints. La crise iconoclaste ou querelle des images connut deux phases : 726-787 et 815-843. La première débuta avec l'adhésion officielle (726) de Léon III l'Isaurien à l'iconoclasme et son édit de persécution (730) : déposition du patriarche Germain, exils, mises à mort ; elle culmina sous Constantin V Copronyme (« synode acéphale ») et ne s'éteignit qu'avec l'impératrice Irène (synode de 766) et le IIe concile de Nicée (787) qui déclara les iconoclastes hérétiques. La crise reprit en 815 (concile de Sainte Sophie) avec les empereurs Léon V et Théophile ; un synode y mit fin (Constantinople, 843). Les iconoclastes furent surtout les empereurs, l'épiscopat byzantin, l'armée ; leurs adversaires (iconodules ou iconol‚tres), surtout les moines, saint Jean Damascène, saint Théodore le Studite, la papauté (v. Grégoire II, Grégoire III, Paul Ier, Etienne III, Adrien Ier)

[Petit Robert]




3. L'Information à l'heure de la télévision

L'obsession du court terme et de ce qui vend, les faits divers sur le devant de la scène, jusqu'à quand ? pourquoi ? pour qui ?
Les grands médias, et leur jeu de masques, faits divers et faits majeurs laissés dans l'ombre : Comment lire l'absence d'une information majeure en filigrane d'un abattage systématique, de la mort de J.J. Jennedy à l'affaire R. Dumas ?

films : Chomski, Illusions nécessaires

Intervenants envisagés :
Jean Chesneaux (L'ère du Clip)
Armand Mattelart (La tyrannie du direct)
René Passet (président du conseil scientifique de Attac)




4. Spectacles... de la guerre économique (septembre/octobre 2000)

Depuis 1945, le monde n'a cessé d'être en guerre.
De la guerre du Golfe au Kosovo, notre impuissance reste grande dans ce jeu diabolique auquel se livrent, en amont des guerres, dictateurs et vendeurs d'armes, et nous voyons que le commerce des armes n'est qu'un des aspects de la guerre économique entretenu par les grandes puissances.
En retrait des grandes agences de presse, des journalistes (comme par exemple l'AIM, réseau de journalistes indépendants des Balkans) se fédèrent pour partager et diffuser un "autre regard", mais celui-ci ne dépasse guère un public semi-confindentiel. Comment se faire entendre ? Des réseaux mondiaux et alternatifs se tissent, vers de nouveaux modes de transmissions et de diffusions.
Les interventions militaro-humanitaires, ou diplomatico-onusiennes semblent toujours arriver trop tard. Peut-on encore parler d'une prévention des conflits ?

Films :
« Golfe war » court métrage de Elie Suleiman
« La pitié dangereuse » de Rony Brauman et François Margolin

Intervenants envisagés :
Jean-François Alexandrini, ancien chargé de communication à Medecins sans frontières
Patrick Viveret (rédacteur en chef de Transversales science culture)
des membres du Forum civique Européen

Coordination : Eyal Sivan et Rony Brauman




5. Hollywood, à l'assaut des imaginaires du monde ? (juin/septembre 2000)

Un cycle de films où se révèlent les ressorts psycho-politico-mythologiques du cinéma américain, son efficacité et... ses chefs-d'oeuvre ! Comment une idéologie s'empare-t-elle de mythes originels, les détourne pour mieux jouer de l'inconscient collectif ? Une sélection de grands films américains sur lesquels s'est assise la mythologie hollywoodienne (Spartacus, Autant en emporte le vent, Les Dix Commandements, Cléopatre, A star is born, Titanic...)

Intervenants envisagés :
Claude Aziza, directeur du département de Mediation culturelle, Paris III, spécialiste en mythologie et cinéma
Michèle Lagny(professeur à l'université Paris III département « cinéma et mythologie »)
Pierre Maillot (professeur à l'école nationale Louis Lumière)





 
manifestations complémentaires  : une série de

Imagi-nerfs, ralentir travaux et autres improvis'acteurs...

rendez-vous autour des spectacles vivants

en salle et dans la rue


Si Place des Images place la société du spectacle et la puissance des images comme vecteur de mythologies et d'idéologies au centre du débat, nous souhaitons lier aux projections/conférences/débats, un cycle de manifestations complémentaires, intégrant différentes formes de spectacles vivants, en salle et dans la rue.
Les titres Imagi-Nerfs, Ralentir Travaux, Improvis'acteurs ouvrent sur différentes expressions artistiques et manifestivités, destinées à lui faire écho.

Des séances tout au long de l'année, cultiveront le parallèle à Place des images, différents lieux pour des moments où la reflexion fera place à l'action sous toutes ses formes. Une volonté de privilégier le spectacle vivant, et la fête, de voir et sentir les pensées qui s'agitent, se rencontrent et agissent. Les créneaux ne manque pas : Fête de la musique du 21 juin, journée sans voiture du 22 septembre, et bien d'autres à inventer, pour favoriser la mobilisation de la population sur un thème, mettre en synergie les citoyens-acteurs sur divers problèmes de société, occuper/vivre la ville dans des moments forts et retrouver un certain droit de cité.



Musiques

21 juin, une fête de la musique réunissant - au moins - quelques uns des groupes montreuillois : EKOVA, SMADJ, TARACE BOULBA, ESTRANGERS... pour un parcours relais à travers la ville, en musique et en spectacle, et pratiquer des détours par les scènes montreuilloises, comme les Instants Chavirés et les cabarets de Site U, ou d'autres lieux peut-être plus insolites pour une fête de la musique improvis'action.



Spectacles vivants d'ici et d'ailleurs

22 septembre : une occupation de la ville et des rues sans voitures. Jongleurs, théâtre de rue, musiciens, conteurs, des Improvis'acteurs (duo d'improvisation comique) à André Minvielle et ses chants manifestes, de la compagnie Kumulus au remarquable spectacle « tabula », de Jacques Bonnaffé et Eric le Lann (lectures et jazz) à Thierry Collet (acteur/magicien) : par les thèmes qu'ils abordent, ou par leur tonalité, ils apportent ce contre-point manifestif dont on ne saurait se passer.

- les Urbanologues associés : le premier est spécialiste de la hauteur, escaladeur du ciel, Antoine le Menestrel évolue au dessus de la foule accroché aux parois urbaines sans jamais toucher le sol. Le second, spécialiste du langage sonore et visuel, Jean-Marie Maddeddu, artiste éclectique, évolue en bas, dans et avec la foule, repousse, distord et finit par abolir les frontières entre théâtre, danse, musique et arts plastiques. Dans cette déambulation peu ordinaire faite de petites étapes extra-ordinaires, les deux urbanologues, V.R.P. surréalistes, repèrent, mesurent, affichent, étudient, photographient, nettoient, poétisent, répètent, soulignent et révèlent la mémoire des murs et la vie des trottoirs.

- la compagnie « 26000 couverts »  : leur spectacle « direct » aborde le thème de la télévision et tente d'éclairer les étroites fissures entre la vérité d'une parole et le mensonge médiatique, entre l'intérieur et l'extérieur du cadre, entre l'endroit et l'envers de l'image. Les spectateurs sont associés au tournage d'un programme télévisé pirate diffusé en direct. Par leurs statuts utopistes, les « 26000 couverts » revendiquent un théâtre qui n'irait pas de soi, perturbateur et essentiel. Un théâtre qui détournerait le quotidien autant que le sacré, interrogeant sans cesse le rapport aux lieux et aux publics  ; un théâtre in situ vers une autre esthétique du réel.

Voir également les projets/festivals en cours à Montreuil  :
- les propositions du 16ème ciel,
- celles d'Isabelle Austry ou encore
- les 20 portes/calendrier en préparation entre la Croix de Chavaux et la Mairie de Montreuil...
- sans oublier Peter Watkins et son film sur La Commune tourné à Montreuil.



Un forum ouvert sur d'autres villes

Autre objectif d'un nouveau type, faire lien entre différents rendez-vous actuellement en préparation, ceci dans le champ culturel pris dans un sens assez large : nulle question, bien sûr, de chercher à produire une somme exhaustive de tout ce qui se passe dans le pays... Mais, trop souvent témoins d'une multiplicité d'initiatives entre lesquelles assez peu de passerelles semblent exister, nous nous proposons de prendre contact avec les organisateurs de diverses manifestations dans la perspective d'échanges, rencontres, rétrospective ou annonces... Film d'Histoire à Pessac, Etats généraux du film documentaire à Lussas, Cinéma du réel à Beaubourg, festival de Douarnenez sur les minorités, festival international du film d'environnement, ou encore festival transartistique d'Uzeste, Music'actions de Vandoeuvre...



diffuser autrement

Que voit-on, enfin, de commun entre ces invitations à débats-actions-meeting-projections de films-concerts-spectacles vivants... ?
Une préoccupation qu'on peut résumer avec ces deux mots, diffuser autrement.
Diffuser autrement ?
Diffuser autrement qu'en suivant les règles imposées par cette société d'hypermarchés, dont on nous a beaucoup trop dit, déjà, qu'elles étaient incontournables. Les oeuvres, les connaissances, les informations, et pourquoi pas, les produits de consommation courantes... Parce qu'il nous semble bien que quantité d'autres modes d'échanges de connaissances, de biens et de services, sont à expérimenter, pour renouer avec des pratiques de développement local, le mot développement pouvant être pris dans son sens tant spirituel que matériel.




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